Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/678

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prochaine catastrophe. Aussi voulait-il vivre seul avec sa bande et la mener comme il lui plairait. Je résistai cependant à ses instances, et je ne voulus pas entrer dans cette troupe condamnée à vivre de pillage. J’avais conçu pour deux des capitaines d’Hidalgo, — Abasolo et Allende, — une affection toute filiale. Albino n’insista pas, et, me voyant résolu à ne pas abandonner mes chefs, se contenta de m’offrir pour quelques jours l’hospitalité dans ce qu’il appelait son palais.

En ce moment parut une jeune femme, tenant un enfant endormi sur ses bras. Cette femme était belle et jeune ; c’était la compagne d’AIhino. Appelée par son mari, elle venait panser ma blessure. Je passai près d’un mois dans l’hacienda del Salto. Au bout de ce temps, je me trouvai complètement remis. Les généraux espagnols accouraient à grandes journées vers Guadalajara. L’heure était venue de se remettre en campagne. J’allai donc rejoindre ma compagnie à Guadalajara, et je pris part, peu de jours après mon arrivée, à la bataille du pont de Calderon, où les masses indisciplinées de l’armée d’Hidalgo vinrent se briser contre six mille Espagnols. Après la défaite ; ce fut encore l’hacienda del Salto qui m’offrit un refuge. Les débris de l’armée insurrectionnelle s’étaient retirés au Saltillo. Les environs de Guadalajara n’étaient plus tenables. Les quatre-vingts hommes d’Albino allèrent rejoindre les divers détachemens réunis au Saltillo. Entre l’hacienda del Salto et cette ville s’établit dès-lors comme un système de correspondance qui me tint au courant des derniers événemens de la guerre. C’est ainsi que j’appris qu’Hidalgo, Abasolo et Allende avaient abdiqué le pouvoir et s’étaient mis en route pour Monclova, d’où ils devaient gagner le territoire des États-Unis. Dès-lors je résolus de reprendre la campagne avec quelques débris de ma compagnie. Nous voulions à tout prix éterniser la guerre en dépit de la terrible journée de Calderon, et en quelques jours nous étions réunis, quelques braves partisans avec Albino et moi à leur tête, dans un campement situé à peu de distance d’une maison de campagne appartenant au gouverneur de la province de Cohahuila. C’est pendant ces dernières journées d’une guerre prématurément commencée que se passa un second épisode qui me fit connaître sous un jour nouveau les révolutions dont j’avais cru pénétrer, il y avait un mois, toutes les horreurs.


III

Le soir du jour même où nous était parvenue l’affligeante nouvelle du départ de nos chefs pour Monclova, nous étions sous nos tentes, décidés à vendre chèrement notre vie. Comme tout le pays était pour nous, à l’exception de quelques endroits dont les habitans étaient contenus par la présence de détachemens espagnols, nous battions la campagne sans beaucoup de risques, mais cependant en ne négligeant aucune