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pour les honnêtes, appâts matériels pour la foule, armes de guerre pour les démolisseurs.

À toutes ces prédications révolutionnaires, qu’opposaient cependant les partis qui se refusaient à accepter sur l’ère nouvelle commencée en 89 les jugemens et les rêveries du radicalisme ? Hélas ! nous devons l’avouer, un dédaigneux silence a été à peu près la seule réfutation qu’on ait su trouver, et le silence vraiment, ne suffisait pas. Ce n’est guère de nos jours que la réalité peut se passer de l’apparence. Quand on songe que le livre de M. Louis Blanc, sur des faits et sur des personnages contemporains, a pu se répandre sous le patronage des rancunes légitimistes, au grand applaudissement des hautes et basses classes, sans essuyer une contradiction de quelque éclat ; quand on se dit que nulle histoire de la révolution un peu sérieuse et populaire, dans le sens du moins où elle pouvait y prétendre, n’a même été tentée pour venir en aide au parti libéral et parlementaire, on est forcé de convenir que, sur ce point comme sur quelques autres, la fécondité et l’action n’ont guère été du côté des idées de conservation et de progrès régulier.


II

Les événemens de février déterminèrent enfin une nouvelle phase dans le débat soulevé depuis la restauration entre les radicaux, les libéraux, et les adversaires passionnés de la révolution française. Un philosophe de l’antiquité appelle l’étonnement le commencement de la science : à ce titre, nul événement ne devait être plus instructif que la surprise de février. Quoi ! est-ce donc là ce qu’on nomme une révolution ? Faut-il expliquer ces grands changemens par des causes misérables ? L’auteur de Candide, en face de ces ruines subites, n’aurait-il pas là quelque droit de prendre en pitié nos pompeuses prétentions à la philosophie de l’histoire ? Devons-nous condamner nos pères et voir dans l’anarchie la fille légitime de la révolution qu’ils avaient faite ? La propriété menacée, l’arbitraire dans la loi, l’utopie imposée par la force, étaient-ils, suivant la prétention des publicistes démagogues de février, les conséquences véritables et dernières de la révolution française ? Telles étaient les nouvelles questions qui se posaient brusquement devant la société consternée.

Assurément, une histoire écrite sous l’empire de cette préoccupation presque générale eût été bien faite pour redresser plus d’une erreur sur le passé et pour répandre quelque lumière sur le présent. 1789 et 1793 soumis au creuset de 1848, c’eût été une assez belle étude ; mais le plus sûr moyen de rendre une pareille étude instructive et profitable c’était d’y porter un esprit dégagé de tout ressouvenir, de tout regret