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exécutoires, d’abord la sanction des officiers royaux, puis la sanction directe de la royauté octroyée par lettres patentes registrées dans les cours souveraines.

À Paris, le régime était tout-à-fait exceptionnel, et la haute juridiction se partageait entre le roi, les grands officiers de la couronne, le prévôt des marchands, le prévôt de Paris et le parlement. Les grands officiers pouvaient vendre, en vertu de la délégation royale, le droit d’exercer les métiers correspondans aux charges qu’ils remplissaient à la cour, et, de plus, surveiller ces mêmes métiers. Ainsi le pannetier du roi avait la juridiction des boulangers, l’échanson celle des marchands de vin ; le métier de cordonnier s’achetait du chambellan du roi et du comte d’Eu, par suite de l’abandon que saint Louis en avait fait à ces deux personnages. La connaissance des affaires contentieuses était attribuée au prévôt de Paris, et celle de l’administration de la police dans ses rapports avec la politique au prévôt des marchands, qui était en réalité le chef de l’édilité parisienne et comme le proconsul de la bourgeoisie.

Au-dessus des divers pouvoirs que nous venons d’énumérer, au-dessus de l’église, de la féodalité, des communes, à Paris et dans toute la France, se plaça peu à peu la royauté comme régulatrice souveraine et même comme maîtresse absolue ; car, dans le moyen-âge, où la contradiction éclate sans cesse entre les principes, la couronne, tout en respectant à l’origine la constitution démocratique des corporations, tout en leur laissant le plus souvent l’initiative de leurs propres lois, n’en déclara pas moins que le droit du travail résidait en elle-même, comme un droit royal et domanial, et les rois, en vertu de cet axiome, dérogèrent au droit commun aussi largement qu’ils le jugèrent convenable. Ils vendirent, pour une somme une fois payée ou pour une redevance annuelle, le droit d’exercer telle ou telle profession. Ils aliénèrent ce même droit en faveur de ceux qu’ils voulaient enrichir, créèrent des maîtres en titre d’office, substituèrent dans la police des charges vénales aux charges électives, s’arrogèrent une part dans les amendes et établirent au profit du fisc une foule de redevances onéreuses. On peut même dire que la loi du progrès, en ce qui touche la liberté industrielle, est complètement intervertie. Charles V est plus avancé que François Ier, François Ier plus avancé que Louis XIV. La royauté, dans les premiers temps, se montre toujours bienveillante pour les corporations, sans doute parce qu’elle trouve en elles un utile contre-poids à la puissance féodale ; plus tard, quand ces corporations se sont élevées et enrichies en raison directe de l’affaiblissement de la féodalité, la couronne ne voit plus en elles qu’une matière imposable et les traite souvent avec une dureté extrême.

Les prétentions contradictoires des pouvoirs qui se disputaient l’administration de l’industrie, la variété de ces pouvoirs, créaient souvent des différences fort notables dans la condition des classes laborieuses, en même temps qu’elles donnaient lieu à d’interminables procès. De plus, à l’époque même où le système des corporations était dans toute sa vigueur, ce système n’était point universel et absolu, et, malgré les efforts tentés par les rois à diverses reprises, principalement dans le XVIe et le XVIIe siècle, pour forcer tous les artisans à s’organiser en maîtrises, il y eut jusqu’aux derniers temps, et souvent dans les mêmes villes, des jurandes, c’est-à-dire des corporations où l’on entrait sous