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Quoi qu’il en soit, la blessure était mortelle, et Ataülf, avant d’expirer, exprima le vœu qu’on lui donnât son frère pour successeur ; faisant même venir ce frère, il lui dicta ses dernières volontés : c’était de faire remettre Placidie à l’empereur et de conclure avec l’empire une paix solide qui serait plus aisée, croyait-il, après sa mort. Rien n’arriva comme il l’avait souhaité. Les chefs visigoths élurent, en haine de lui, le propre frère de Sâr, nommé Sigeric, et Sigeric, pour premier acte de son autorité, arracha des mains de l’évêque Sigesaire, qui les élevait, comme nous l’avons déjà dit, les enfans qu’Ataülf avait eus d’un mariage antérieur, et les égorgea ; pour second, il contraignit Placidie à marcher à pied devant son cheval pendant l’espace de douze milles, au milieu d’une troupe de captifs[1].

Au bout de sept jours, cet homme féroce disparaissait, renversé à son tour comme trop favorable à l’alliance romaine, et Vallia, son successeur, inaugurait son règne par le serment d’une guerre éternelle aux Romains ; mais Vallia, homme prudent et expérimenté, laissa les passions se calmer, et devint bientôt un fidèle lieutenant de l’empire contre les hordes qui infestaient l’Espagne. Il offrit de rendre, moyennant six cent mille mesures de blé, Placidie, qu’il avait toujours traitée avec tout le respect possible. La cour de Ravenne reçut cette ouverture avec joie, et envoya un haut personnage, nommé Euplucius, conclure le marché. Les choses se passèrent comme pour un marché ordinaire ; Euplucius fit mesurer le blé, et prit livraison de la fille de Théodose.

Rendue au palais de son frère, Placidie n’y trouva point la paix dont elle avait besoin. Constantius, admiré plus que jamais de l’empereur, promu tout récemment à la dignité de patrice et destiné au prochain consulat, l’y vint poursuivre de ses assiduités, qui avaient l’assentiment du maître, et, quelque répugnance qu’elle lui témoignât, rien ne pouvait l’en délivrer. Enfin, le 1er janvier 417, comme elle abordait le prince pour lui souhaiter, suivant l’usage, une année prospère et un règne éternel, celui-ci la prit par la main, l’attira vers Constantius, et mit de force cette main dans celle du patrice. La fille de Théodose n’était plus que la veuve rachetée d’un roi barbare : elle se soumit, et son second mariage fut célébré à Ravenne, trois ans, mois pour mois, après le premier ; mais elle ne voulut jamais revoir la Gaule, que le patrice alla gouverner avec les pouvoirs d’un vice-empereur.

Son ancien compagnon de captivité, Flavius Priscus Attalus, tomba, cette année même, dans une croisière romaine, pendant qu’il fuyait

  1. Ipsam Placidiam reginam, in Adaulphi scilicet contumeliam, pedibus ante equum unà cum caeteris captivis ambulare coegit… (Olympiodor).