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le moyen de suivre la méthode de Bolswert ou de Pontius, en l’appliquant à d’autres ouvrages qu’à ceux de Rubens et de Van-Dyck ? — Cependant, au moment où l’école flamande brillait d’un éclat si vif, mais qui devait sitôt s’anéantir, que se passait-il en France et comment le beau siècle de la gravure s’y annonçait-il ?


V. – ÉCOLE FRANCAISE. - CALLOT : la Tentation de saint Antoine, les Malheurs de la guerre, le Ménage des Bohémiens – Graveur à l’eau-forte imitateurs de Callot

Les Français n’avaient pu se distinguer de bonne heure dans l’art de la gravure, parce qu’il n’en était pas de leur pays comme de l’Italie, de l’Allemagne et des Pays-Bas, où la peinture et la sculpture florissaient depuis long-temps. En dehors des verriers et des statuaires, anonymes de nos cathédrales, artistes d’ailleurs d’une nationalité douteuse, nous ne pouvons nous glorifier que d’un bien petit nombre de peintres et, de sculpteurs antérieurs à Jean Cousin et à Pierre Bontemps ; comment la gravure aurait-elle grandi au moment où les autres arts naissaient à peine[1] ? Les estampes françaises ne furent d’abord que des imitations assez malheureuses des estampes italiennes. Nicolas Béatricet et Étienne de Laulne, élèves à Rome d’Augustin de Venise, et voués par conséquent au culte de la manière de Marc-Antoine, l’imposèrent à nos graveurs peu d’années après celles où le Rosso et Primatice, appelés par François Ier, avaient soumis nos peintres à leur joug. L’école n’avait encore ni méthode ni tendances qui lui fussent propres, et pourtant, la mode s’en mêlant, chacun se mit à manier le burin. À partir du règne de Henri II jusqu’à celui de Louis XIII, qui ne grava pas en France ? Peintres, architectes, gentilshommes, femmes même, depuis Georgette de Montenay, qui dédia à Jeanne d’Albret un recueil de devises et d’emblèmes exécutés par elle, jusqu’à la reine Marie de Médicis, auteur, à ce qu’on croit, de son propre portrait, tout le monde prétendit faire preuve d’habileté dans l’art de creuser le bois ou le cuivre.. Les estampes de cette époque ne sont guère, sous le rapport du style et du dessin, que de faibles copies, et ce n’est qu’après plus d’un demi-siècle de servitude que les graveurs français commencent à se soustraire à l’autorité de l’art italien, se créent une manière et constituent

  1. Nous avions, il est vrai, des graveurs sur bois, ainsi que le prouvent l’image de saint Bernard (1454), attribuée à un Bernard Milnet ; les livres avec fleurons et figures imprimés vers la même époque à Paris et à Lyon, et les Danses Macabres, traités de morale si fort en vogue sous les règnes de Charles VIII et de Louis XII. Toutefois les auteurs de ces essais n’étaient, à vrai dire, que des imagiers sans talent. Les archéologues se sont épuisés à retrouver leurs noms ; au point de vue de l’art, on peut, en toute sûreté de conscience, ne pas chercher à les connaître. Il n’est permis de citer qu’un seul Français parmi les graveurs de quelque mérite nés à la fin du XVe siècle : c’est Jean Duvet, qui fut orfèvre des rois François Ier et Henri II, et que l’on a surnommé le maître à la licorne, parce que cet animal fantastique figure sur plusieurs de ses pièces.