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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 novembre 1850.

Lorsque le temps tourne à l’orage, on n’est jamais pressé d’embarquer, pour peu qu’on soit un matelot d’expérience : aux plus novices même, à défaut d’expérience, l’instinct suffit et les arrête. On regarde venir le vent dont il faudra essuyer les coups, et l’on se dit qu’il sera toujours assez tôt de partir, quand on ne pourra plus absolument tarder. On ne met ni d’entêtement, ni d’honneur à courir au-devant de la tempête, et si par hasard on s’aperçoit qu’on avait encore du répit, quoiqu’on ait déjà déployé la voile, on en est quitte pour la carguer.

Nous prions qu’on nous pardonne cette métaphore trop prolongée ; nous ne savons pas mieux exprimer l’effet général du début par où la session recommence. Il est évident que l’on cherche de tous les côtés, dans une intention d’ailleurs on ne saurait plus louable, à gagner délais sur délais avant d’entrer en voyage. Tout le monde sait bien qu’il n’en faudra pas moins s’acheminer un jour ou l’autre ; mais, comme on ne sait pas aussi bien vers quoi, on ne soupire point après un ordre de marche.. Tout le monde a l’esprit plein des difficultés de la route ; mais, comme il y a plusieurs routes et que chacune a ses mauvais pas, tout le monde aussi s’accorde à ne pas prévoir les malheurs de trop loin. On se tait, on transige, on ajourne. Les ames fortes, les tempéramens brusques, ou même seulement les imaginations mobiles, s’ennuient de cette monotonie dans le silence et dans la discrétion. Il y a des hommes nouveaux qui sont pressés d’agir, parce qu’ils ont toute leur sève à dépenser ; il y a des hommes anciens qui sont pris d’un regain de jeunesse et ne demandent plus qu’à monter de grands chevaux sur lesquels ils n’ont pas toujours galopé, tant s’en faut. Ces impatiens qui naissent à la vie politique, ou bien qui voudraient ressuscitée, se heurteraient volontiers parfois aux barreaux de la situa-