sang et dans les larmes, leurs fils ingrats en jouissent sans se douter de sa beauté, de sa grandeur ; ils en jouissent, sans l’apprécier, comme on jouit, de l’air qu’on respire, de la vie et du bonheur ; mais, à côté de nous, les étrangers nous envient cet ordre admirable, et ils se jettent dans la carrière orageuse que nous avons parcourue, au risque de souffrir autant que nous pour arriver où nous sommes parvenus.
Vainement, d’un bout de l’Europe à l’autre, il s’est élevé des voix puissantes qui ont célébré les beautés de l’ancien régime et maudit les révolutions : ces voix, éloquentes n’ont pas persuadé les peuples. Le siècle compte à peine cinquante années, et la révolution française a franchi ses barrières, et elle est entrée victorieuse à Munich, à Berlin, à Vienne, en Italie, en Espagne, en Portugal, en Grèce Elle n’a jamais reculé et elle a toujours avancé. Ses revers apparens et passagers cachaient et amenaient ses plus sérieux triomphes.
Chez nous, après avoir accompli son œuvre de destruction, elle confia à un grand capitaine le soin de refaire la France sur les idées nouvelles, et elle lui donna ou lui laissa prendre un pouvoir immense. Il en abusa, et on crut la liberté politique à jamais perdue. Elle n’était que suspendue, et pendant cette suspension momentanée, la liberté civile, ce fondement nécessaire de la liberté politique, était enracinée dans le sol, incorporée à la vie française, et mise une fois pour toutes à l’abri de tout changement ? La révolution avait gagné la liberté civile sous l’empire ; à sa chute, elle entra en possession de la liberté politique, qui depuis s’est toujours développée. Dès 1812, l’Espagne avait eu son assemblée constituante ; les cortès de Cadix avaient proclamé une constitution. Ferdinand l’abolit en 1815 ; elle reparaît en 1820, on l’abolit encore ; elle revient en 1832 sous une autre forme, et à travers mille vicissitudes, elle triomphe, s’établit, en sorte que M. Donoso Cortex a l’agrément de prononcer aujourd’hui des sermons, éloquens contre la révolution française au sein d’un parlement, ne de l’imitation généreuse de cette révolution. Si M. de Maistre vivait encore, il pourrait ainsi renouveler ses vieilles philippiques dans le parlement de Turin ; car la tentative malheureuse de 1821 a été reprise en Piémont par la royauté elle-même : le statut de Charles-Albert, confié à la garde d’un roi loyal, et pratiqué ave intelligence, et modération, fait à la dois la force de la maison de Savoie, la consolation d’une nation vaillante trahie par la fortune Et l’espérance de L’Italie. Pendant quelque temps, la révolution grecque ne semblait qu’un mouvement d’indépendance ; peu à peu l’indépendance, là comme en Amérique, et depuis dans le Nouveau-Monde, a conduit à la liberté politique : il y a maintenant à Athènes un parlement, parce que l’indépendance a fait de la Grèce une nation. En 1830, la révolution belge a créé, un peuple nouveau qui a librement choisi son roi et qui librement l’a maintenu.