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rayonner dans la région de l’intérieur, pendant que des expéditions volantes agiraient en même temps dans la région du désert, où Abd-el-Kader avait pris ses dispositions pour recueillir les tribus chassées du Tell. ’Toutes ces opérations s’effectuèrent avec un ensemble admirable. Le général. Bugeaud commença le mouvement par l’ouest, le 18 mai 1842, en se dirigeant vers Tekdempt qu’il allait détruire. Dans le même temps, le général Baraguay-d’Hilliers partait de Médéah pour aller détruire Boghar et Taza, au méridien d’Alger. Dans la province de Constantine, le général Négrier faisait la même opération vers le sud, où il s’emparait de M’Sila et de Biskra Cependant le général Bedeau à Mostaganem, le général Lamoricière à Mascara, le général Changarnier à Milianah, le général Lafontaine à Philippeville et à Guelma, rayonnaient chacun avec une colonne expéditionnaire au milieu des tribus de l intérieur ; razziant celles qui résistaient ou qui pliaient leurs tentes, organisant celles qui demandaient l’aman et faisaient acte de soumission A proprement parler, ce fut moins une campagne où il fallut combattre qu’une chasse à courre où il fallut traquer les ennemis, ici à travers les montagnes, là dans les ondulations interminables de la plaine. À la suite de ce premier mouvement, toutes les tribus nomades qui ne se soumirent pas furent rejetées dans le désert ; mais, n’y trouvant pas de subsistances et poursuivies d’ailleurs par nos colonnes infatigables, elles rentrèrent dans leurs douars à la venue de l’hiver.

Le système des colonnes mobiles, inauguré par le général Bugeaud avait plus fait pour la conquête dans une seule campagne que toutes nos expéditions depuis dix ans. Non seulement nous dominions le Tell, mais encore les tribus du désert nous offraient leur concours pour razzier les tribus que nous rejetions vers elles, et les caravanes de Tuggurth, qui, viennent tous les ans faire leurs provisions de grains dans le Tell, étaient obligées de s’adresser à nous pour leurs achats.

Les élémens constitutifs de ces colonnes mobiles avaient été choisis avec un soin extrême. On avait calculé non-seulement les corps qui devaient concourir à la formation de la colonne, mais encore le nombre d’hommes qu’il lui fallait pour rendre la marche et le combat possibles. Les chasseurs d’Afrique marchaient toujours en tête : lorsque la tribu poursuivie était en vue, ils prenaient le galop et la forçaient à s’arrêter pour combattre ; cela donnait aux zouaves qui les suivaient le temps d’arriver pour achever le combat. Si les Arabes fuyaient, les spahis, qui se tenaient à portée sur les flancs de la colonne, se mettaient à leur poursuite, pendant, que le train des équipages recueillait les dépouilles abandonnées par les fugitifs. Lorsque les cavaliers allaient en reconnaissance, les fantassins préparaient le repas ou le bivouac. La colonne, ainsi équipée et forte de quatre mille hommes, faisait par jour douze lieues en moyenne, et la première campagne du général Bugeaud à Tekdempt avait duré cinquante trois jours. — Le combat