Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Celui-ci lui avait enlevé successivement Saïda, Tegdempt, où il avait tenté de s’établir de nouveau, Frenda, au confluent de trois vallées qui mènent du Tell au désert, il ne resta bientôt plus à l’émir aucun poste permanent où il pût déposer ses trésors et abriter sa famille, pas même Goudjila, dans la région des sables ; car les Arars et les Ouled-Katifs avaient prêté leurs chameaux au général Lamoricière pour lui disputer ce dernier asile, Abd-el-Kader dut donc remonter vers le nord-ouest, ne sachant plus où planter ses tentes ; mais il l ne sut pas si bien cacher son passage ; que nos auxiliaires réguliers d’abord, nos chasseurs à cheval et nos spahis ensuite, ne fussent parvenus à l’atteindre au défilé de Loba, et à le poursuivre, le sabre au dos, pendant deux lieues.

Abd-el-Kader, qu’aucun revers ne pouvait décourager, fit alors comme Mithridate porta la guerre dans les lieux mêmes où nous venions de vaincre. Au mois de janvier 1843, quelques jours à peine après que nous avions quitté l’Ouérenséris et le Dahra, on le vit réveiller l’insurrection du Dahra et de l’Ouérenséris, secondé par les Kabyles fugitifs qui étaient allés le joindre au désert sous la conduite, de Berkani et d’Embareck. Cette nouvelle insurrection fut vigoureusement réprimée ; mais peut être, si Abd-el-Kader eût entretenu par sa présence l’ardeur des insurgés ; au lieu de disparaître mystérieusement pour aller ailleurs nous créer d’autres embarras et faire diversion, le Dahra et l’Ouérenséris eussent-ils tenu long-temps devant nos armes. Quoi qu’il en soit, le général Bugeaud comprit que l’insurrection des Kabyles, un instant comprimée, se réveillerait bientôt plus ardente, s’il n’agissait sur les montages par des moyens d’action plus perma mens que ne l’était la battue générale qu’il venait d’accomplir contre les Kabyles du centre de l’Algérie. C’est alors qu’il songea à bloquer les montagnes par des postes militaires fixes, correspondant entre eux par des routes, de façon à pouvoir toujours donner la main aux colonnes mobiles engagées dans la contrée, ainsi bloquée et traquée. Et, comme dans son esprit l’action suivait immédiatement l’idée, il se mit aussitôt à l’œuvre.

Cherchell et Milianah commandent le côté oriental du Datera En suivant à l’ouest la latitude de Chercilell, on arrive au port de Tenez, à l’autre extrémité du Dahra. C’est à Tenez que le général Bugeaud plaça son premier poste militaire. Il fallait chercher au sud un point de la vallée du Chéliff qui correspondît au poste de Tenez, comme Milianah correspondait à Cherchell. On arrive ainsi à El-Esnauc, sur un point qui commande de l’est à l’ouest la vallée du Chéliff, et du nord au sud le passage du Dahra à l’Ouérenséris ; c’est là que le gouverneur général établit le second poste, qui devint bientôt Orléansville. Cherchant alors dans le sud, de l’autre côté de l’Ouérenséris, deux points correspondant