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produit le jour autour du camp ; les obus éclatent sur les Kabyles, qui fuient épars et décimés ; puis tout rentre dans la nuit et le silence.

Pendant que nos postes avancés soutenaient l’attaque nocturne des Beni-Abbas, les soldats du campement, habitués à de pareilles rencontres, se tenaient prêts à recevoir les Kabyles, dans le cas où ceux-ci eussent refoulé nos grand’gardes ; mais l’ennemi dut se retirer après avoir vainement tenté d’enlever nos sentinelles. Le lendemain, avant le point du jour, la colonne s’ébranle, passe les gués de la rivière, et l’attaque commence aussitôt. On voit huit bataillons sans sac s’élancer au pas de course, le fusil sur l’épaule. En vain les Kabyles, des hauteurs qu’ils occupent, dirigent un feu plongeant sur cette colonne : elle ne riposte point et avance toujours avec l’impassibilité d’une machine mise en mouvement. Les Kabyles, étonnés, se replient sur leur seconde ligne de bataille la colonne marche toujours. Elle atteint successivement les quatre premiers villages, où les Kabyles se sont barricadés, pendant que les zouaves agiles voltigent sur les hauteurs environnantes qu’ils ont tournées. La population de ces villages avait déjà déménagé avec toutes ses richesses depuis le matin. La fusillade commence à travers des sentiers de chèvre, des escarpemens inabordables. Au milieu du bruit du combat, notre colonne d’attaque monte si vite, que déjà elle atteint l’émigration des villages évacués avant que celle ci ait pu tout entière s’abriter dans Azrou.

Deux villages, flanqués chacun d’une tour, protégent la position plus élevée d’Azrou : on les a surnommés les Cornes du Taureau. Arrivé là, le maréchal commande aussitôt l’assaut pour ne pas laisser aux Kabyles le temps de reprendre haleine. Tout le monde connaît dans le midi de la France ces vieilles tours romaines perchées sur la plate-forme des rochers ; telle est la position d’Azrou On ne peut gravir cette plateforme qu’en s’aidant des pieds et des mains, en se pendant aux broussailles. Le seul point accessible est un étroit sentier qui serpente sous le feu des maisons crénelées. C’est par ce sentier que monte le 6° bataillon des tirailleurs de Vincennes, pendant que les zouaves escaladent la droite du village, et que le 43e léger tourne à gauche pour couper la retraite aux Kabyles. Ici encore, on voit nos fantassins essuyer résolûment le feu de l’ennemi sans y répondre. Ces décharges, au lieu d’arrêter leur élan, le précipite. Les Kabyles, nous l’avons dit, sont lents à recharger leurs fusils à cause de la longueur du canon. Nos fantassins mettent à profit l’intervalle d’une décharge à l’autre pour franchir un obstacle de plus. Ils étaient devant les maisons crénelées, les voici dans l’intérieur même d’Azrou, après la dernière décharge. Une fumée noire et fétide s’élève bientôt des villages emportés elle est produite par la combustion de grands approvisionnemens d’huile que chaque maison recélait. Dans le même temps, une des