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à ses devoirs en posant les bases de la future Allemagne. Si les espérances de M. de Radowitz se fussent réalisées, cette Allemagne nouvelle dont la Prusse était l’ame devait rallier peu à peu, surtout au nord et au centre, les peuples, qui aspiraient depuis si long-temps à l’unité de la patrie. L’orgueil de donner à son pays cette législation tant souhaitée exaltait de plus en plus le patriotisme dogmatique de M. de Radowitz. Au milieu des inquiétudes continuelles de cette sombre année 1849, au milieu des fureurs croissantes d’une démagogie sans frein et d’une réaction sans pitié, sur un terrain bouleversé par de si rudes secousses, M. de Radowitz n’a qu’une pensée : il suit sa chimère à travers les flammes. Remarquez bien les inconséquences passionnées de ce grave esprit, voyez comme il doit irriter ses amis sans cesser pour cela d’inspirer à ses adversaires d’invincibles défiances ; il vient de Francfort, il a siégé à l’église Saint-Paul, il a combattu les fantaisies doctorales d’une assemblée révolutionnaire, il est toujours et aux yeux de tous, l’ennemi déclaré du régime constitutionnel, et c’est lui qui va convoquer le parlement d’Erfurt !

Qu’était-ce donc que ce parlement d’Erfurt ? L’état fédératif établi par le traité du 26 mai reposait sur deux institutions fondamentales, un pouvoir chargé de faire les lois, et un pouvoir qui avait mission de les appliquer. Le pouvoir exécutif était entre les mains d’un collége de princes désignés par les gouvernemens ; le pouvoir législatif appartenait à une assemblée fédérale formée de représentans des divers pays. Ce n’étaient encore là que des projets ; pour mettre cette constitution en mouvement, pour faire passer dans la pratique des innovations si hardies ; M. de Radowitz avait de toutes parts des obstacles à vaincre. Le parti purement prussien, le parti qui se soucie peu de la patrie allemande et qui redoute ces témérités équivoques, ne se lassait pas de combattre l’influence de l’ami de Frédéric-Guillaume IV. Ce parti avait quelques-uns de ses chefs au sein même du ministère ; M. de Manteufel est un esprit trop circonspect, il est l’adversaire trop défiant de la révolution pour lui donner prise par quelque côté. Autour de lui se groupaient les hommes de la droite, M. de Gerlach, M. Stahl, qui, aussi emportés par la réaction que M. de Radowitz par ses rêves, employaient tous les moyens pour faire déchirer le traité du 26 mai. On avait cru un instant ce traité bien compromis. Par une convention en daté du 30 septembre 1849, une commission fédérale avait été instituée à Francfort pour remplacer provisoirement l’ancienne diète ; la Prusse et l’Autriche y avaient chacune deux voix, et les autres états y étaient représentés par des plénipotentiaires. Était-ce un retour à la législation de 1815 ? La Prusse reculait-elle devant son œuvre ? Déjà les organes du patriotisme s’indignaient de cette conduite, et M. de Beckerath, à la tribune de la seconde chambre, adressait au gouvernement