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des interpellations énergiques. Bien que M. de Radowitz ne fît pas partie du ministère, il était certainement le vrai ministre pour toutes les questions relatives à l’union restreinte ; commissaire royal auprès des deux chambres, il y avait en quelque sorte un ministère spécial dont le roi lui-même, on le savait, était le collaborateur et le soutien. M. de Radowitz refondit aux interpellations de M. de Beckerath ; il repoussa les craintes des partisans de l’unité, et maintint avec force les desseins de son aventureuse politique. Bien plus ; nommé lui-même représentant de la Prusse à cette commission fédérale, il semblait promettre hautement que rien n’y serait décidé contre le traité du 26 mai. C’est ainsi qu’il s’engageait chaque jour davantage, prenant la Prusse à témoin, tendant la main à M. Henri de Gagern, au parti de Gotha, aux libéraux constitutionnels, et provoquant les fureurs de ses plus intimes alliés politiques, M. de Gerlach et M. Stahl.

Il ne suffisait pas à M. de Radowitz de vaincre ces difficultés intérieures. Déjouer, grace à la confiance du roi, les hostilités ardentes de M. de Gerlach et la sourde opposition de M. de Manteuffel, en vérité c’était peu de chose dans une pareille entreprise. L’ennemi sérieux n’était pas à Berlin. À ce beau projet, à cette combinaison merveilleuse, une seule condition manquait, une condition essentielle dont M. de Radowitz semblait ne pas tenir compte, l’acquiescement ou tout au moins le silence du grand pays qui luttait alors contre l’insurrection des Magyars. Comment penser, en effet, que la résistance du cabinet de Vienne ne rallierait- pas autour de lui tous les états de l’Allemagne méridionale ? Le prestige des descendans des empereurs est bien grand encore sur les imaginations germaniques. Quoi donc ! on allait constituer l’unité de l’Allemagne, et, pour que cette unité fût possible, il fallait d’abord exclure de l’Allemagne la puissance qui pendant des siècles avait possédé l’empire ! Supposez même que l’Autriche, attirée par des destinées nouvelles du côté de l’Europe orientale, eût consenti à cette abdication, est-il bien sûr que l’Allemagne l’eût permise ? Que sera-ce donc si l’Autriche proteste contre cette injurieuse exclusion ? Or, elle protestait, et avec une vivacité singulière : L’arrogance de la politique prussienne avait trouvé un adversaire parfaitement armé pour une telle lutte et très en fonds pour lui rendre ses coups. Jamais les affaires de la monarchie des Habsbourg n’avaient été conduites par une volonté plus hautaine. Ce n’étaient plus les ménagemens du régime antérieur à 1848 ; ce n’était plus cet art d’ajourner les questions et de décourager ses ennemis par une impassible indolence. M. le prince de Schwarzenberg a l’habitude de marcher sur les difficultés l’épée haute et le visage découvert. Esprit intrépide, la situation révolutionnaire et les dangers de l’Autriche avaient doublé son énergie. Cette persistance des intentions de la Prusse en présence