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d’un jour de perception en raison de l’année bissextile, soit un peu plus de 101 millions. Cependant les faits doivent se modifier, et l’assiette de l’impôt ne restera pas la même. La commission d’enquête, d’accord avec le ministre des finances, demandera une réduction de moitié dans le tarif des entrées, d’où peut résulter pour le trésor une perte de 5 à 6 millions. Si l’impôt n’est pas énergiquement défendu, la discussion entraînera d’autres sacrifices. En tout cas, l’on se ferait une illusion étrange, si l’on espérait la conservation intégrale de cette branche de revenu.

J’en dirai autant des droits sur les sucres. Le projet de loi soumis en ce moment à la discussion de l’assemblée est la première application que l’on ait tentée en France, de la politique qui consiste à provoquer l’accroissement de la consommation par la modération des tarifs. Cette politique est vraie, elle favorise les progrès de l’aisance générale ; mais, si l’effet en est direct et certain sur l’alimentation, elle ne tourne pas toujours à l’avantage du trésor public. C’est ce qui me paraît complètement démontré par l’expérience de l’Angleterre. Le gouvernement britannique a réduit, en quatre années, le droit sur les sucres de ses colonies de 59 fr. 5 cent. par 100 kilogrammes à 24 fr. 50 cent. Une diminution aussi énorme, environ 60 pour 100, devait imprimer à la consommation des sucres un développement rapide. En effet, le stimulant a été si énergique, que les quantités consommées annuellement se sont élevées, en six années de 210 millions de kilogrammes à 300 millions ; mais cet accroissement n’a pas suffi pour combler les vides du revenu. En 1845, la première année de la réforme, le produit des droits sur les sucres tombait de 130 millions de francs à 89 ; aujourd’hui la perte est encore de 20 millions par année.

Le gouvernement français a proposé de réduire les droits sur les sucres de 49 fr. 50. cent. à 27 fr. 50 cent, soit de 22 fr. ou de 44 pour 100. Cette réduction s’opérerait en quatre années et par fractions égales, à raison de 5 fr. 50 cent. par année. Les 116 millions de kilogrammes que la France a consommés en 1849 ont rendu au fisc 58, 569,000 fr. La perte serait de 25,770,000 fr, si la consommation devait rester stationnaire. Pour que le trésor retrouvât, sous l’empire du droit réduit, le même revenu dont il jouit à cette heure il faudrait un accroissement de 64 millions de kilogrammes dans les quantités consommées. Les causes qui ne permettront pas d’obtenir ce résultat sont nombreuses et puissantes. Premièrement la France n’est pas, comme l’Angleterre, le pays des boissons chaudes. Nous ne prenons pas du thé ou du café deux ou trois fois par jour. Les peuples qui récoltent et qui boivent du vin ne font qu’une faible consommation de sucre ; pour augmenter sensiblement cette consommation, des mœurs et des habitudes différentes ne seraient pas moins nécessaires que le bas prix de la denrée.