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On a d’ailleurs exagéré, dans des appréciations peu exactes, les qualités de sucre qui entraient dans l’alimentation des peuples étrangers. Si l’Angleterre en consomme 11 kilogrammes, par individu et par année, en Hollande, quoi que l’on ait dit, la proportion n’est que de 5 à 6 kilogrammes. En Belgique, les droits sont modérés, et le sucre se vent à meilleur marché qu’en France ; cependant la consommation n’excède pas sensiblement 3 kilogrammes par individu. Est-il raisonnable d’espérer que, dans un pays comme le nôtre, où l’aisance ne descend pas aussi bas qu’en Belgique et ne se répand pas aussi loin, l’usage du sucre fera de plus grands progrès ?

Ce n’est pas tout. En supposant la thèse du projet de loi fondée en raison, le moment paraît mal choisi pour le mettre en pratique. Le trésor public n’est pas riche et ne peut pas courir les aventures. Une expérience à faire, un problème à résoudre en matière de finances, voilà ce que l’on doit par-dessus tout éviter aujourd’hui. Quand l’abondance sera rentrée dans les caisses de l’état, quand les colonnes du budget cesseront d’étaler des découverts annuels, alors on pourra modérer, au risque de voir baisser le niveau du revenu, les tarifs établie pour les sucres ; mais, dans un temps aussi incertain et avec un trésor indigent, nous n’avons pas le droit de faire des remises d’impôt. On n’est pas homme d’état ni financier en jetant le budget par la fenêtre.

Les mêmes raisons s’opposent, et plus fortement encore, à l’abaissement des droits sur les cafés. Sous l’empire de ces droits, qui sont modérés après tout, la consommation du café a doublé depuis dix-huit ans en France. Ainsi l’on ne peut pas dire que les tarifs en gênent le développement. En Angleterre, il est vrai, la réduction des droits a concouru à répandre l’usage du café dans les rangs les plus humbles de la population ; mais cette taxe était, avant la réduction, deux fois plus élevée que chez nous. On propose d’abaisser le tarif de 50 pour 100. La consommation est aujourd’hui de 18 millions de kilogrammes ; il faudrait donc une consommation de 28 à 30 millions de kilogrammes pour ne rien perdre du revenu. Je ne crois pas prudent de se lancer dans cet inconnu. Maintenons aujourd’hui les impôts tels qu’ils sont ; nous songerons plus tard aux réformes.

En se référant à ce qui vient d’être dit, on reconnaîtra qu’il n’y a guère lieu d’espérer que les recettes de 1852 égaleront les évaluations portées au budget. Pour rester dans le vrai, pour se tenir plus près des résultats probables, il convient de ramener le chiffre global du budget aux estimations adoptées par la commission qui a examiné celui de 1851, soit à 1,371 millions.