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gémit de se voir ainsi emprisonné entre des murs de pierre, qu’on en accuse surtout l’âpre climat de la pointe extrême de l’Armorique et ses stériles rochers[1] !

Il n’y a plus à reculer, il faut utiliser ces travaux, faire marcher ces ateliers et les tenir à la hauteur de tous les progrès de l’art. Brest va donc posséder un établissement capable de fabriquer annuellement 4 frégates à vapeur de 500 chevaux, c’est-à-dire de produire 2,000 chevaux de vapeur. Ce n’est pas tout cependant : après avoir transformé Brest en un arsenal à vapeur, il faut pourvoir aux besoins de la nouvelle marine, qui réclame un asile spécial pour ses bâtimens à flot. Ici encore on a vu éclore des plans gigantesques ; on ne propose rien moins que d’ouvrir, sous une montagne, un passage à la mer. Où est l’urgence ? Nous le répétons : si l’espace manque, qu’on envoie mouiller dans la crique de Lanveoc, si abritée et si sûre, les frégates et les vaisseaux désarmés. Il nous resterait encore à trouver un lieu convenable à l’établissement d’un dépôt de charbon. Le terrain fait défaut dans le port, ne faudra-t-il pas l’aller chercher au fond de la rade, dans la rivière de Landévenec, près du point où débouche le canal de Bretagne ? Nous ne parlons pas de la poulierie qu’on doit refaire ; c’est une question à résoudre d’un point de vue général et pour l’approvisionnement de tous nos ports de l’Océan.

Voilà Brest. Ce qu’il était sous l’empire de la voile, il l’est encore depuis l’application de la vapeur à la marine de guerre : un vaste port d’armement et de radoub, et l’orgueil de la France, sa tête de colonne dans une lutte maritime sur l’Océan. Pour tenir dignement cette place, Brest à toutefois une dernière condition à remplir. Bien que nous croyions peu au danger sérieux d’une invasion, il n’en serait pas moins utile d’abriter le goulet sous un camp retranché ; car, à cette heure, la rade de Brest est à la discrétion du premier corps d’armée qui oserait quitter les côtes de l’Angleterre sur une flotte à vapeur et se ruer sur nos rivages.

Du point de vue où nous nous sommes placés, Lorient ne se présente guère que comme une succursale, de l’arsenal de Brest. Quand on se rend par mer de l’un à l’autre de ces ports, si la route qu’on suit

  1. Peut-être n’est-il pas sans intérêt de montrer de quel excédant de dépense se trouvent grevés les travaux par suite de l’élévation des ateliers au-dessus du sol. Nous évaluons à 6,000 tonneaux par an les poids qui seront portés aux ateliers, à savoir 2,000 pour les machines, 2,000 pour les fontes, 2,000 pour le charbon. Or un homme qu’on paie 1 fr. 20 cent. élève par jour 4 tonneaux à 25 mètres de hauteur ; soit, pour les 6,000 tonneaux, 1,500 journées, ou en argent 1,800. fr. Ajoutons 8,200 fr. pour l’intérêt des sommes employées aux constructions du viaduc et de la grue, et pour l’usure des apparaux ; on trouvera que le prix de revient des travaux est grevé par an d’une somme de 10,000 fr. en sus de ce qu’il eût été, si l’on avait pu construire les ateliers de plain-pied avec le quai.