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golfe de Lyon que les coups de vent d’hiver bouleversent si souvent Port-Vendres ne voit jamais ses communications avec l’Algérie interrompues. Le gouvernement de juillet en comprit toute l’importance ; en faisant de ce petit port un port un point d’étape entre Toulon et nos possessions du nord de l’Afrique, un auxiliaire de notre grand arsenal de la Méditerranée dans ses rapports avec l’armée d’Algérie, il a d’ailleurs réalisé un projet dont Vauban avait été le premier et le plus ardent promoteur, et que la république se doit à elle-même de compléter.


III. – INDRET.

Indret doit son développement à notre engouement d’un jour pour les bâtimens en fer. Substituer aux lourdes coques en bois si coûteuses et de construction si lente de légères coques en fer qu’on dirait sorties d’un seul jet de la forge et de contours si fins, si parfaits que l’œil en est ravi : quel marin n’eût pas été la dupe des espérances qui s’éveillèrent alors ! On s’aperçut plus tard que les boulets font dans ces coques des déchirures effroyables, et que dans un échouage les bâtimens en fer restent sans défense contre le frottement des rochers. Il faut donc nous résigner encore à garder nos vieilles coques de bois et réserver les autres pour des usages limités. Après tout, nous n’avons guère fait que suivre de loin l’Angleterre dans cette voie d’illusion, et aujourd’hui que le rêve s’est évanoui, il se trouve que nous l’avons payé bien moins cher que nos voisins.

C’est dans une île de la Loire, un peu au-dessous de Nantes, qu’est situé l’établissement d’Indret. En 1840, on voulut avoir là non-seulement une vaste usine, mais un véritable arsenal à vapeur. Rien aujourd’hui ne manque à Indret. La construction des bâtimens et la fabrication des machines s’y trouvent réunies. De la coexistence de ces deux industries il ressort un grand avantage : elles s’entre-soutiennent et se complètent. La même fonderie, les mêmes forges, la même chaudronnerie, alimentent à la fois le chantier des constructions et l’atelier des machines. On a souvent comparé la coque d’un navire à la carcasse d’un monstre marin couché sur le dos : la quille formerait la colonne vertébrale, les couples en seraient les côtes, les bordages représenteraient la peau et les écailles. Pour le bâtiment en fer, substituez le métal au bois ; les couples ou les côtes dressées sur la quille sont les cornières, et les bordages sont des plaques de tôle.

Des cales de construction, des quais où abordent les navires, une fonderie où d’énormes grues remuent d’énormes masses de métal, de grandes forges munies de martinets, de moutons en fer, et mises en mouvement par la vapeur, une chaudronnerie pour cintrer les tôles et courber les cornières, enfin des ateliers d’ajustage et une salle de montage