Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/810

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’interpreter, et parlait seul pour toute sa troupe. Lanterne Tête-de-cuir, dans la Foire de Saint-Barthélemy, nous fait connaître cet usage d’une manière assez piquante. Pour satisfaire la curiosité d’un gentilhomme provincial qui n’a aucune idée d’un puppet-show, et qui lui a témoigné le désir de faire, avant la pièce, connaissance avec ses acteurs, il va chercher le panier qui renferme ses puppets. « Quoi ! s’écrie le provincial, c’est là qu’habitent vos acteurs ? — Oui, monsieur ; ce sont de petits comédiens. — Oh ! des comédiens fort petits, en vérité. Et vous appelez cela des acteurs ? — Assurément, monsieur, et de très bons acteurs, aussi parfaits qu’aucun de ceux qui se soient jamais montrés sur un théâtre de pantomimes. À la vérité, je suis la bouche d’eux tous[1]. »

Ben Jonson, à qui nous devons déjà tant de curieux renseignemens sur le sujet qui nous occupe, nous a transmis le nom de deux joueurs de marionnettes anglais, plus anciens que notre Brioché. Le premier était le vieux Pod, qu’il appelle aussi parfois avec une certaine courtoisie le capitaine Pod. Il cite le nom de ce puppet-showman comme étant, en 1599, inséparable de l’idée de marionnettes[2]. En 1614, cet artiste n’existait plus, et depuis même assez long-temps[3]. Deux années après, un nommé Cokely était en possession de la faveur publique[4]. Il paraît, à la manière dont Ben Jonson parle à plusieurs reprises de ce nouveau joueur de marionnettes, qu’il était alors du bel usage de le faire venir avec ses puppets dans les réunions aristocratiques ou bourgeoises pour divertir les invités[5].


V. – GUERRE DES PURITAINS CONTRE LES ACTEURS. – MARIONNETTES PENDANT LA SUPPRESSION DES SPECTACLES ET DEPUIS LEUR REOUVERTURE JUSQU’A LA REVOLUTION DE 1688.

Dans aucune autre contrée de l’Europe, la guerre entre l’église et le théâtre n’a été aussi longue et aussi acharnée que dans l’Angleterre protestante. Nous avons vu, après l’établissement du schisme de Henri VIII, les nouveaux ministres expulser de l’intérieur des temples presque tout ce que le christianisme y avait introduit ou toléré de cérémonies propres à émouvoir les sens ; nous avons vu les chefs de l’église anglicane, sous la pression du fanatisme presbytérien, abolir, comme un legs dangereux du paganisme, les divertissemens séculaires

  1. The Bartolomew Fair, acte V, sc. II. Cette scène contient plusieurs allusions aux acteurs du temps.
  2. Every man out of his humour, acte III, sc. I.
  3. The Bartholomew Fair, acte V, sc. I. — Cf. Ben Jonson, épigramme XCVIII ; Works, t. VIII, p. 209.
  4. The Bartholomew Fair, acte III, sc. I.
  5. The Defil is an ass, acte I, sc. I.