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à peu près hors de la portée des balles ennemies. Pendant que les détails importans de cette installation étaient surveillés par le colonel Borel de Brétizel, chef d’état-major du général Herbillon, celui-ci fit former une petite colonne d’attaque, sous les ordres du colonel Carbuccia, pour s’emparer dès le premier jour de la zaouia et des maisons qui en dépendent, ainsi que d’une fontaine voisine, dont l’eau était indispensable au camp. Cette colonne, composée de deux compagnies du 5e bataillon de chasseurs, de quelques compagnies de la légion étrangère, du 3e bataillon d’infanterie légère d’Afrique et d’un détachement du génie, fut lancée sur la zaouia, dont les défenseurs étaient déjà fort inquiétés par le tir de deux obusiers qui avaient préludé à l’attaque. La résistance ne fut pas longue ; bientôt une partie de nos soldats s’établissaient dans ce premier village, et le colonel Carbuccia plantait lui-même son drapeau sur le minaret de la zaouia. Malheureusement les chasseurs d’Orléans, qui avaient dépassé le village, encouragés par ce succès facile et entraînes, par un brillant officier, d’un courage à tout oser, leur capitaine adjudant-major, M. Duplessis, se jetèrent dans les jardins à la poursuite des Arabes. Aucun obstacle ne les arrêtait ; les premiers murs furent franchis bravement, mais chaque palmier, chaque pierre, cachait un ennemi redoutable, et ce n’était pas sans beaucoup de sang versé que l’on pouvait s’avancer dans ce labyrinthe. Bientôt les défenseurs de la ville vinrent se mêler aux Arabes qui se retiraient, et nos chasseurs, que leur audace avait isolés, furent contraints à une retraite plus périlleuse encore que ne l’avait été l’attaque. On vit dans la lutte les femmes de Zaatcha se mêler aux combattans et les exciter par des cris affreux. Plusieurs tenaient à la main des yatagans dont elles se servaient pour achever nos malheureux blessés, que la vivacité du combat ne permettait pas d’enlever. Bientôt deux autres compagnies de chasseurs, ayant à leur tête le brave capitaine de Cargouët ; vinrent enfin au secours de celles qui étaient si sérieusement engagées, et, se portant rapidement sur leur flanc gauche, elles purent favoriser la retraite. Cette malheureuse affaire nous coûta une vingtaine de morts et quatre-vingts blessés. Sur sept officiers de chasseurs présens au feu, un fut tué, le lieutenant Bonnet ; trois furent blessés assez grièvement, parmi lesquels le capitaine Alpy, qui arrivait du siége de Rome. Le docteur Castelly, chirurgien du bataillon, reçut lui-même une balle, et l’adjudant Davout, plus malheureux que tous, fut pris par les Arabes, qui mutilèrent affreusement son corps.

Le lendemain, quand on reprit les jardins abandonnés, un horrible, spectacle s’offrit aux yeux des premiers arrivans ; les blessés, enlevés par les Arabes, mutilés par eux et attachés à des palmiers, expiraient dans les plus cruelles souffrances. C’étaient les femmes qui s’étaient