lui sert de porche. L’ogive gigantesque de cette arcade est dessinée par un faisceau de torsades élégantes revêtues d’émail, et qui s’élancent, de chaque côté, d’une base découpée dans un bloc d’albâtre figurant un grand vase. De longues tablettes de porcelaine bleue, sur lesquelles ressortent en blanc des versets du Koran, forment un cadre splendide à cette majestueuse entrée. Sous cette arcade gigantesque, une porte en bois de cyprès, couverte d’ornemens et de lames épaisses d’argent massif ciselées et travaillées à jour, donne entrée dans la mosquée. Au haut de cette porte est fixée une chaîne qui descend et se divise, à quelques pieds du sol, en deux bouts rattachés aux jambages, de manière à barrer le passage aux animaux. Grace à quelques relations utiles que j’avais formées à Ispahan, j’eus le bonheur d’être autorisé à franchir cette barrière devant laquelle tout chrétien doit s’arrêter. Au-delà du seuil si soigneusement défendu contre tout visiteur profane, on se trouve dans un vestibule où se réunissent, pour fumer et causer, les fidèles qui viennent de purifier leur ame par la prière. Les mollahs altérés par un long prêche peuvent y puiser, dans une énorme vasque de jaspe, l’eau qu’y entretient à perpétuité, au moyen d’une rente pieuse, la charité de quelque dévot personnage. De ce porche, on passe dans le cloître intérieur. C’est une vaste cour carrée, au centre de laquelle est un bassin pour les ablutions. Des arcades disposées autour de ce préau sont autant de cellules ou d’écoles, où les mollahs enseignent l’astrologie et mêlent la lecture des poésies philosophiques de Saadi aux arguties et aux commentaires les plus subtils du Koran. Sur l’un des côtés de ce vaste cloître s’ouvre le profond et mystérieux sanctuaire au fond duquel s’entrevoit le mehrâb ou la niche mystique vers laquelle les musulmans doivent se tourner pour être dans la direction de la Mecque, quand ils font leurs prières.
Le sanctuaire, ou lieu de la prière par excellence, est dominé par une vaste coupole. Un demi-jour favorable au recueillement l’éclaire à peine. C’est là que les zélés croyans viennent passer de longues heures, absorbés dans les pratiques d’une dévotion contemplative qu’exalte trop souvent l’usage immodéré de l’opium. Les murs élevés et les pilastres épais sur lesquels s’appuie, pour mieux s’élancer, le dôme gigantesque de la mosquée sont ornés, à la base, de larges plaques de jaspe ou d’albâtre et entièrement revêtus d’émaux aux mosaïques richement coloriées. Sous la coupole est placée la chaire, tribune de la prédication religieuse et emblème du trône pontifical du haut duquel Mahomet dicta ses lois.
La grande mosquée d’Ispahan a été fondée au commencement du XVIIe siècle par Châh-Abbas, qui y dépensa plus de 50,000 toûmans royaux, ou un million et demi de francs, somme immense pour un pays où la main-d’œuvre est peu coûteuse. Il existe beaucoup d’autre mosquées dans cette capitale ; les unes dressent leurs dômes cha-