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Quoi qu’il en soit, la découverte de M. Mariette est un véritable événement archéologique. Nous ne doutons pas que cet habile et intelligent explorateur n’en tire tout le parti possible, et qu’au moyen de l’allocation de 30,000 francs obtenue dans la séance de l’assemblée législative du 8 août dernier, il n’enrichisse nos collections d’un grand nombre de curieux spécimens de l’art à l’époque des Ptolémées. Cette séance aura été heureuse pour les arts. Non-seulement l’assemblée a voté les crédits demandés pour le déblaiement du Sérapéum de Memphis, la continuation des fouilles de Ninive et l’expédition scientifique dans l’Asie centrale ; elle s’est empressée d’allouer un quatrième crédit de 24,000 francs pour l’acquisition de deux tableaux de Géricault : le Cuirassier et le Chasseur de la Garde. Lors de la vente des objets d’art provenant de la liquidation du roi Louis-Philippe, M. le ministre de l’intérieur désirant conserver à la France ces morceaux remarquables d’un de nos maîtres les plus populaires, n’avait pas craint, en présence du crédit des musées absorbé presque totalement par d’autres dépenses, de se porter acquéreur et d’engager sa responsabilité ; l’assemblée a couvert d’un vote approbateur cette louable irrégularité. Il est à regretter que, par suite d’un fâcheux malentendu, elle ait refusé ce même jour un crédit de 19,000 francs qu’on lui demandait pour le rachat de vingt-sept tableaux de notre grand peintre de marine, M. Gudin. Ces tableaux avaient été exécutés pour le musée de Versailles, et devaient compléter la collection historique de la galerie maritime. L’un d’eux, le Jean Bart forçant le passage de la flotte anglaise devant Dunkerque, est un chef-d’œuvre, et valait la moitié de la somme demandée. On a établi de spécieuses distinctions entre les artistes vivans et les artistes morts, et les vivans ont eu tort une fois de plus.

Nous n’aimons que la gloire absente,
La mémoire est reconnaissante,
Les yeux sont ingrats et jaloux !

Nous ne voulons pas qu’on nous reproche cette même indifférence pour les vivans : si nous applaudissons à cette sorte d’exhumation du passé que nous venons de constater, c’est surtout parce qu’elle se fait au profit de ces vivans qu’on affecte de dédaigner. La grande publication de M. Perret, les précieuses découvertes de M. Mariette et les travaux complémentaires de ces savans explorateurs qui vont arracher au mystérieux Orient ses derniers secrets, ne peuvent manquer d’étendre singulièrement le champ de l’étude et d’ouvrir à nos artistes des perspectives inattendues. Grace à l’active et féconde impulsion imprimée à ces travaux, bien des lacunes vont être comblées, bien des points douteux dans l’histoire de l’art seront éclaircis. Cette histoire