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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/1049

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de tout un quartier à Philadelphie, incendie à New-York, quatre-vingts personnes tuées, etc. » Et immédiatement les machines sont remplacées, les rails rétablis, les villes rebâties, les bateaux à vapeur reconstruits, les morts oubliés, et le mouvement continue ardent, irrésistible.

L’Amérique, comme l’Angleterre, est un pays de civilisation moderne ; quelles que soient leurs différences, elles ont le même esprit ; leurs gouvernemens, bien que différens, dérivent du même caractère moral. On n’aperçoit pas, en Amérique, de principes qui nous soient inconnus et qui n’aient pas été mis en pratique chez les nations modernes ou chez les peuples d’autrefois ; seulement, tandis qu’en Europe ces élémens et ces principes vont s’affaiblissant avec la décadente des peuples et la mort des formes politiques et des institutions, en Amérique ils se retrempent au sein de cœurs et d’ames encore incultes, au sein de la vie active, et ils cherchent dans le chaos des faits ceux dans lesquels ils pourront s’envelopper pour croître et briller aux yeux du genre humain sous la forme d’institutions, de croyances et de mœurs. La liberté, le respect de l’individualité humaine, l’esprit d’investigation, la foi dans le travail, tous ces principes de notre civilisation sont les mêmes qui, en Amérique, accomplissent les merveilles que les voyageurs les plus prévenus sont forcés de reconnaître. Après avoir écrit deux volumes contre l’Amérique du Nord, M. Halliburton est amené à lui rendre justice il est obligé de confesser que les États-Unis méritaient ce qu’ils ont obtenu. L’Amérique continue donc non-seulement les destinées de la race anglo-saxonne, elle continue le mouvement et les traditions du genre humain et le cours de la civilisation telle que nous la connaissons et l’aimons. Nos préférences sont les siennes, à cette différence prés, que ces préférences sont chez nous des désirs, et que pour l’Amérique, elles sont des faits et des lois. L’Amérique peut bien être un triste présage pour l’Europe, à qui elle prédit son affaiblissement, à qui elle montre la civilisation se retirant d’elle pour se réfugier dans les forêts et les déserts ; mais elle n’est pas un embarras pour le monde, comme le sont d’autres races qui avec elles amènent de nouveaux principes, des élémens de civilisation qui nous sont inconnus, et qui menacent non de continuer l’histoire, mais de la recommencer, la Russie par exemple.

Nous venons de prononcer le nom de la Russie ; c’est là l’ennemi de la race anglo-saxonne encore plus que du continent. Elle menace matériellement l’Europe et peut bien méditer d’en faire sa proie ; mais elle est l’ennemie de la race anglo-saxonne, non à la façon d’une grande puissance qui hait l’empire qui lui fait obstacle, mais à la façon d’un homme qui hait un autre homme dont la nature est inconciliable avec la sienne ; elle lui est opposée par instinct, par caractère, par mœurs,