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soit 2,500,000 francs de capital. Cet emprunt ne devait être émis que successivement et par quart, d’année en année ; mais peu de mois après il fallut revenir sur cette résolution, et les trois derniers quarts furent émis tout à la fois. Les particuliers s’empressant fort peu d’y souscrire, quoiqu’on le leur offrît 85 francs, les caisses des administrations secondaires, telles que les banques, la caisse d’épargne, l’hôpital, etc., furent mises à contribution.

À côté de son grand livre de la dette publique, le gouvernement radical ne négligeait pas non plus la ressource des bons du trésor, rescriptions, comme on les appelle à Genève, et il en a usé si largement, que, d’après le compte-rendu publié en mai 1850, le chiffre de cette dette flottante s’élevait à 1,010,225 fr 51 cent. Du reste, si l’emprunt ne trouvait pas faveur parmi les capitalistes, il n’en était pas moins déjà dépensé en entier le 31 mars 1850, ainsi que cela résulte d’un rapport officiel qui constate à cette époque un déficit de 139,748 fr 32 cent., inférieur, selon toute probabilité, à ce que devait être réellement le découvert occasionné par les dépenses considérables que l’administration avait jugées nécessaires dans l’intérêt de sa politique, et qui ne se trouvaient pas encore toutes liquidées[1].

De tels gaspillages ne répondent guère aux promesses d’un parti qui prétend être celui du gouvernement à bon marché. Aussi s’efforça-t-il d’en amortir l’effet en affirmant que la vente des terrains des fortifications de la ville suffirait non-seulement à couvrir l’emprunt, le déficit et les rescriptions, formant un total de 3 millions au moins, — ce qui, proportion gardée, équivaudrait en France à 3 milliards de déficit, — mais encore qu’elle fournirait pour l’avenir d’importante ; ressources qu’on pouvait escompter sans crainte. Or la plus grande partie de ce terrain, nivelé à grands frais et mis en vente vers la fin de l’année dernière demeure jusqu’ici sans acheteur, et, malgré cet échec, qui semblait devoir dissiper toutes les illusions, le grand conseil a continué de voter aveuglément de nouvelles dépenses extraordinaires[2]. Cependant, chose incroyable et désolante à la fois, avec tant d’argent si rapidement employé, aucune amélioration vraiment importante n’a été accomplie ; les travaux entrepris demeurent inachevés

  1. Le budget de 1849 fera mieux apprécier encore la voie dans laquelle est entré le radicalisme genevois. Il avait été fixé d’abord à la somme de 1,337,577 fr.
    qui devait être couverte par les recettes, estimées à 1,288,745
    laissant un déficit de 48,832 fr.
    Mais, d’après le compte-rendu au grand conseil en 1850, les dépenses se sont élevées à 625,642 fr. 28 c.
    Les recettes n’ont été que de 1,073,108 fr. 53 c.
    Différence, soit déficit réel 552,533 fr. 75 c.


    Dans la même année, des sommes très fortes ont été consacrées à des travaux extraordinaires en dehors du budget ; mais ce déficit énorme s’explique, en partie du moins, par l’augmentation des traitemens d’employés et de fonctionnaires qui, en 1841, ne s’élevaient ensemble qu’à 271,081 francs, tandis qu’en 1849 ils atteignaient à la somme de 423,316. Les frais seuls de la police, département dont M. James Fazy a la direction, se sont élevés de 26,400 fr. à 75,581 fr. 88 cent.

  2. Pour les seuls mois de janvier et février 1851, les sommes ainsi votées dépassent déjà 1,200,000 fr.