au régime de l’Allemagne les Slaves, ses éternels ennemis. On ne sait pas tout ce que tiennent de place dans un cœur allemand ces songes perpétuels d’extension et de conquêtes nationales. Les ordonnances du 20 août brisent irrévocablement cette chimère favorite, puisque le motif pour lequel la constitution du 4 mars y est annulée n’est autre que l’impuissance avouée de gouverner avec ces formes unitaires en même temps que parlementaires. On l’a bien compris de la sorte dans les pays non-allemands de la domination autrichienne, à Prague et principalement à Pesth. Les ordonnances qui ont été si sensibles à l’Allemagne n’ont pas été accueillies en Hongrie et en Bohême avec autant de déplaisir. La charte du 4 mars, ou ne pouvait pas être du tout appliquée parce qu’elle eût provoqué tout de suite trop de déchirement, ou, si elle l’eût été, compromettait, usait à la longue les nationalités dissidentes. L’abolition de ce système du 4 mars, avant même qu’il ait été sérieusement mis en vigueur, a pu paraître aux peuples groupés, sinon fondus dans tout l’empire, le commencement d’une restitution de leur indépendance administrative. Que le prince de Schwarzenberg l’ait ou non voulu, c’est là le résultat immédiat des lettres de cabinet du 20 août, Il abandonne ou il a l’air d’abandonner le principe de l’unité autrichienne : il se dédommage sans doute en renforçant du même coup le principe de l’autorité impériale ; mais, sauf le dédommagement, il effectue presque une retraite analogue à celle du cabinet prussien, lorsque celui-ci déserta la cause de l’unité allemande.
Ce n’est pas tout : la conséquence directe de cette unité de l’empire, c’était pour le prince de Schwarzenberg l’incorporation totale de l’empire lui-même, pays allemands et non allemands, dans la confédération germanique. Cette prétention extraordinaire ne choquait pas trop l’Allemagne, parce qu’elle lui assurait un pied en Italie, et le cabinet de Potsdam avait dû s’y consentir ; mais l’Europe ne pouvait la tolérer : la France et l’Angleterre avaient aussitôt opposé les protestations les plus formelles ; la Russie, après des variations dont nous avons parlé, insistait encore pour sa part avec plus d’énergie. Or, du moment, où les ordonnances du 20 août dissolvent le lien factice qui attachait entre eux les peuples de la monarchie pour ne plus conserver que leurs liens antiques et naturels, du moment où l’on renonce plus ou moins implicitement à la centralisation pour rendre à eux-mêmes les peuples sur lesquels elle eût pesé, comment soutenir que l’Autriche aura droit de faire compter dans la confédération et de représenter à Francfort des Italiens, des Hongrois ou des Polonais qui ne seront plus Autrichiens que par leur juxtaposition dans les armées et à l’ombre du drapeau ? Le prince de Schwarzenberg aurait donc ainsi laissé tomber sa pensée d’incorporation aussi bien que sa pensée de centralisation. Certes, le cabinet de Vienne n’en est pas encore à confesser tous ces désistemens ; il s’obstine souvent à garder dans le silence les desseins qu’il ne peut plus avouer, il les lâche et les reprend selon les circonstances, et, cédant le plus qu’il peut sans en avoir l’air, il se trouve toujours à portée de conquérir ce qu’il n’a pas eu l’air de céder. En rompant si fièrement avec la révolution de 1848, en affectant de restaurer la majesté du trône des bourg, le prince de Schwarzenberg se serait donc, au demeurant, ménagé le moyen de sortir, à son avantage, de l’impasse où l’avaient acculé ses idées exagérées d’agrandissement autrichien. Ce pur gouvernement monarchique qu’il