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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/1137

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annonce, n’étant plus compatible ni avec une Autriche unitaire, ni avec une Autriche germanisée et incorporée dans la Germanie, il n’y a plus de puissance qui ait sujet de s’offenser. La dignité du jeune empereur François-Joseph est sauve et même rehaussée, le tzar est satisfait ! — car il est peut-être permis de douter du crédit qu’ont eu les observations de l’Angleterre et de la France, auprès du cabinet de Vienne dans cette grave question ; mais il est impossible de ne pas voir le poids dont a pesé sur lui le cabinet de Saint-Pétersbourg, et, pour s’en mieux convaincre, il n’y a qu’à lire une brochure très curieuse que nous croyons devoir signaler à nos lecteurs ; parce qu’elle les mettra tout à fait au courant des influences russes dans ces étranges complications de la politique autrichienne. On ne saurait jeter trop de lumière sur des faits aussi considérables pour l’avenir de l’Europe.

Les ordonnances du 20 août ne dont donc pas à nos yeux ce qu’elles ont été généralement aux yeux de la presse française, un simple coup d’état de la réaction absolutiste, elles sont aussi l’abandon des deux idées capitales sur lesquelles avait roulé depuis 1849 toute la politique de l’Autriche dans ses rapports avec l’Allemagne et avec l’Europe, l’idée de la centralisation, l’idée de l’incorporation : Quelques jours seulement avant que ces lettres de cabinet eussent été promulguées, il avait paru à Bruxelles une brochure anonyme dont le titre même posait nettement la question en litige ; et patronait d’avance la solution qui allait intervenir. Voici ce titre significatif !: Quelques mots sur le système de centralisation autrichienne et sur l’incorporation de cet empire dans la confédération germanique, par un étranger ami de l’Autriche qui a long-temps habité ce pays. On voit que c’est toute l’affaire pendante ; on saisira mieux les argumens qui l’ont décidée, quand on saura que cet ami de l’Autriche est, comme nous le tenons de bonne source, un haut fonctionnaire du gouvernement russe, très bien placé pour en connaître les inclinations. Ces inclinations, à juger d’après la brochure ; étaient notoirement défavorables au régime que l’Autriche a maintenant presque aboli. L’auteur explique avec talent les impossibilités matérielles et morales qui devaient arrêter l’œuvre de centralisation et d’incorporation. « Ce projet, dit-il, était pour l’Autriche ce qu’étaient pour la Prusse ces mots sacramentels prononcés en 1848 : Preussen muss in Deutschland aufgehen ! — La Prusse doit se fondre en Allemagne ! ces mots vides de sens, qui ont mis la confusion dans toutes les têtes et embrouillé toutes les idées politiques ! L’auteur est naturellement au point de vue moscovite. Il impute trop à la centralisation en général les torts qu’elle aurait en particulier dans l’Autriche. On aperçoit aisément qu’il ne sera point fâché pour le compte du tzarisme que Slaves autrichiens restent Slaves au lieu d’être faits Allemands se prononce enfin très catégoriquement pour les idées de monarchie pure réhabilitées dans les ordonnances du 20 août, et en même temps voudrait retirer cette monarchie ainsi restaurée du contact de l’Allemagne révolutionnaire. Le prince de Schwarzenberg aura donc servi à se souhait le publiciste russe. Il faudra plus d’un sacrifice de ce genre dans la nouvelle sainte-alliance qui se prépare.

La Prusse a même tout récemment pris une revanche assez effective sur le cabinet de Vienne. Les positions que l’Autriche gardait dans le nord de l’Allemagne inquiétaient beaucoup la cour de Potsdam. L’Autriche semblait vouloir mettre là des pierres d’attente pour l’exécution de ces grands projets d’union