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ou de sécheresse : à quelques jours de là, lorsque la jeune femme du commandant Valicon, partie en toute hâte au premier bruit de sa blessure, arriva à Djidgelly, les soins dont elle fut entourée, les délicatesses dont on usa pour tromper sa douleur étaient vraiment les soins et les délicatesses d’une mère. Quand elle débarqua, elle voulait encore se faire illusion. — N’est-ce pas qu’il n’est pas mort ? disait-elle… Comment voulez-vous qu’il soit mort ?… il m’aimait tant ! — Et alors nous étions obligés de lui raconter ses heures suprêmes : elle ne pouvait se lasser d’entendre nos récits ; elle pleurait, puis elle voulait entendre encore… Il est plus facile de braver un danger que de supporter, sans souffrir, la vue d’une douleur si pure et si profonde.

Chacun avait remis ses vêtemens en bon état, ses souliers à neuf ; le navire était radoubé, et l’on s’étonnait déjà du repos. Aussi l’ordre du départ donné le 19 fut-il le bienvenu. La colonne marchait contre un foyer de résistance, les Beni-Amran. Le général Saint-Arnaud voulait séparer les contingens de l’ouest de ceux de l’est ; mais il n’espérait vraiment pas que les Kabyles allaient lui faire la partie si belle. À midi, le camp était établi à deux lieues de la ville, sur un charmant plateau. Dans ces terrains riches et superbes, on voyait sur toute la ligne de crête les Kabyles bourdonner, s’agitant, se préparant à la défense. Le terrain même indiquait l’ordre du combat. La brigade du général Bosquet, formant un grand arc de cercle sur la droite, rabattrait l’ennemi ; au centre marcherait le général Saint-Arnaud ; plus à la gauche, le général Luzy ; enfin, à l’extrême gauche, la cavalerie irait fermer le col par lequel les Kabyles pourchassés essaieraient de passer. Vers ce point convergeaient toutes les colonnes d’attaque. Dans le mouvement tournant de droite, trois compagnies de zouaves avaient pris position, afin de protéger le passage d’un ravin. Elles eurent à supporter tout l’effort des Kabyles ; mais c’étaient les soldats auxquels le colonel Canrobert disait à Zaatcha : — Quoi qu’il arrive, il faut que nous montions sur ces murailles, et si la retraite sonne, zouaves, sachez-le bien, elle ne sonne pas pour vous. — Maintenant ces zouaves devaient tenir comme des murailles, et ils se seraient fait tous démolir un à un plutôt que de reculer d’une semelle. Quel regret pour de braves soldats comme eux de n’avoir point alors entre les mains les armes qui leur sont promises depuis si long-temps, ces carabines à tiges, bonnes pour la défense, sûres pour l’attaque ! Le colonel Jamin voyait du camp l’ennemi se porter de ce côté ; il envoie aussitôt quelques compagnies faire une heureuse diversion. La brigade Bosquet continue son mouvement ; le général Saint-Arnaud avait joint aussi l’ennemi. Les Kabyles cher, client, mais en vain, à se dérober aux obus du colonel Elias et à la fougue des chasseurs d’Orléans, qui, durant toutes ces courses, rivalisèrent