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s’est agi de nommer le rapporteur. Ce sont là les secrets du sanctuaire. Nous sommes convaincus d’ailleurs que M. de Tocqueville, qui a dit que la révision était à la fois nécessaire et dangereuse, ne voudrait pas, dans son rapport, en grossir le danger pour en atténuer d’autant la nécessité. Cette nécessité est sans doute la même pour lui que pour M. de Broglie : il n’y a de candidature possible à la présidence de la république française que celle d’un prince ou d’un « démocrate en blouse ; » si la révision n’intervient pas à temps pour réserver les droits et ménager les transitions, on subira le prince comme un maître, ou le démocrate comme un vainqueur. Ce vainqueur est déjà tout annoncé. On nous débite dès à présent le remède de l’année prochaine, la Révolution légale par la présidence d’un ouvrier, solution démocratique de 1852. Voulez-vous attendre celle-là ?

Le véritable fléau de l’année 1852, ce serait en effet la résurrection de cette république impossible dont on ne s’est délivré qu’au prix de tant de maux, au prix du sang répandu. À voir l’insouciance avec laquelle les anciens partis continuent leurs sourdes querelles, jouant encore de leur mieux sur notre vaste et trop vaste forum le même jeu qu’on jouait naguère dans des embrasures de fenêtres, comme disait M. Hovyn-Tranchère ; à voir l’éparpillement de la majorité, on croirait que nous avons échappé pour toujours aux chances trop nombreuses que la république de l’anarchie s’est ménagées jusque dans la constitution de 1848. On croirait que la constitution dont on ne paraît plus sentir les vices a fermé tout accès au retour, au triomphe des républicains de cette sorte. Il ne se passe pourtant presque point de semaine sans qu’ils donnent quelque signe d’une vitalité persévérante ; ils s’y prennent de leur mieux pour rappeler au pays qu’ils existent toujours, et qu’ils n’ont abdiqué ni leurs fantaisies, ni leurs rancunes. Si nous ne sommes point avertis, ce n’est pas que les avertissemens nous manquent. La république rouge nous tient fort au courant de ses espérances, et les fréquentes exhibitions qui nous viennent du milieu même de l’assemblée nationale sont on ne saurait plus démonstratives. Laissons arriver le jour des épreuves sans nous être fixé d’avance une conduite plus ferme et plus droite que celle qu’on suit à présent : où sera donc alors notre force contre cette toute-puissance démagogique qui, enchaînée jadis par le bon accord de la majorité, remue de plus en plus dans ses entraves à mesure que la majorité se dissout ? La démagogie n’a rien appris par sa défaite : le spectacle que lui fournissent maintenant ses vainqueurs lui persuade trop aisément que sa défaite n’a été qu’un hasard éphémère ; une seconde victoire la ramènerait toute pareille à ce qu’elle fut. Il serait bien temps ensuite de redevenir sage, et ce serait un beau sujet d’orgueil de réussir une fois de plus à replâtrer les ruines que nous aurions une fois de plus laissé faire ! Soyons-en sûrs, on les referait aussi consciencieusement qu’on les a d’abord faites, car nous avons encore autour de nous le même esprit de destruction qui s’impatiente d’attendre, et qui, dans son impatience, nous révèle fièrement tous ses desseins. Écoutez M. Pelletier déblatérant contre l’établissement d’une police régulière au sein des communes populeuses du Rhône, M. Madier de Montjau plaidant pour les clubs en mémoire des prétendus services qu’ils ont rendus à la France et des services très réels qu’ils ont rendus à sa propre fortune ; lisez les brochures de M. Ledru-Rollin que la justice a dernièrement condamnées, le 24 février, le 13 ; juin ;