Une autre remarque est à faire dans cette exposition si frappante des Orientaux. C’est le contraste qui existe entre la folle richesse des objets de luxe qu’ils fabriquent et l’excessive pauvreté des ustensiles nécessaires à la vie dont ils se servent. Ici, pour l’existence extérieure, des vêtemens splendides, de l’or et des pierreries ; là, pour le foyer, pour les besoins de chaque heure, une humble cafetière en fer mal battu, une poignée de riz et de l’eau claire. Un Indien dort sur une pauvre natte, mais il veut que la femme qu’il aime ait une folle parure et porte aux pieds et aux mains des bracelets qui valent plus que sa maison tout entière ; l’Arabe couche sous une tente misérable, mais il faut que son cheval soit le plus beau de la tribu ; il a pour tous meubles un mauvais tapis, mais son yatagan est incrusté de corail, et ses pistolets sont montés en argent. L’homme de l’Orient est poète avant tout ; il a l’amour du beau ; il adore le superflu, l’inutile lui est nécessaire, et il méprise ce qui est indispensable, parce que ce qui est indispensable est laid, toujours laid ; toujours l’expression d’un besoin quelconque de notre chétive nature. Il pense que rien de ce qui est beau n’est inutile à la vie. En Occident, l’homme pense précisément le contraire ; il n’estime les choses qu’en raison des services matériels qu’elles lui rendent ; il consacre sa vie à l’utile, il lui élève des temples, il divinise la matière, il fait des dieux de ses besoins. En face de l’exposition orientale, de ces tissus d’or, de ces joyaux charmans, voyez par exemple l’exposition des États-Unis ; certes, ce n’est pas le beau qu’ils recherchent, ces Américains si habiles. Voilà des paletots en caoutchouc, des bottes en caoutchouc, des maisons en caoutchouc : tout cela est puant et hideux, mais c’est imperméable. Voici des machines à vapeur. La nature avait donné à ces hommes des forêts superbes, ils les ont abattues pour établir des rail-ways ; leurs savanes fleuries, ils les ont défrichées pour y semer des haricots, et ils élèvent des cochons là où paissaient en liberté des cavales sauvages. Pour eux, le temps est tout ; faire vite, c’est leur devise. L’homme de l’Orient, au contraire, regarde couler les ans, il cueille ses jours selon le conseil du poète, il savoure ses heures. Pour lui, la vie n’est pas chose mathématique, elle ne se mesure pas au balancier d’une pendule. Il ne regrette pas les jours qu’il a perdus, il ne pleure que ceux où il a vécu. L’un s’agite, l’autre rêve, tous les deux sont heureux à leur manière, et, en suivant des routes diamétralement opposées, l’un et l’autre arrivent, même en industrie, à des résultats également prodigieux. Économistes et philosophes, méditez et faites des livres : voici un problème digne de vous, et, avant que vous ayez décidé entre les États-Unis et l’Inde, le monde aura tourné plus d’une fois dans l’espace.
Et la Chine ? Qu’est-ce que la Chine ? qu’est-ce que cet empire presque fabuleux, deux fois grand comme l’Europe, qui a horreur de nous