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qu’elle avait en partie sa source dans un sentiment presque voisin du remords. Des impressions de cette nature jouent dans les commotions politiques un rôle qui n’est pas assez remarqué. Un mauvais gouvernement n’a pas d’ennemis plus sérieux que les employés honnêtes qui, dans la position où les retiennent les nécessités de leur existence matérielle ou la faiblesse de leur caractère, sont obligés de se rendre les agens de mesures qu’ils réprouvent ; un ressentiment d’autant plus actif qu’il est secret couve dans leur sein, et, lorsque l’heure fatale a sonné pour le pouvoir qu’ils ont servi, ils saluent sa chute avec plus de joie que n’ont pu le faire des adversaires déclarés.

Dans la position de la France, à la fin de 1812, applaudir à la chute de Bonaparte et appeler de ses vœux le retour de la dynastie des Bourbons, ce n’étaient guère que les deux faces d’une même pensée. Maine de Biran, depuis cette époque, demeura inviolablement attaché à la politique royaliste ; il fut jusqu’à la fin inébranlablement fidèle à cette cause. La dissolution du corps législatif l’avait momentanément rendu à la solitude. Ce fut dans sa campagne du Périgord qu’il assista de loin à l’invasion toujours plus complète du territoire et à la première chute de l’empire. Il contracta à cette époque un second mariage, qui ne lui donna pas d’enfans. La restauration le rappela à Paris. Il reprit, pour la forme, l’habit de garde-du-corps dans la compagnie Wagram et fut immédiatement appelé à la chambre des députés. Les fonctions de questeur lui furent confiées le 11 juin. Il se reposait à Grateloup des travaux de la première session de la nouvelle assemblée, lorsque la nouvelle du débarquement de Bonaparte vint le jeter dans une agitation fiévreuse. Il part en hâte pour Paris, où ses fonctions réclamaient sa présence. Le départ du roi décidé, il prend, avec M. Lainé, le chemin du Midi. Rentré dans sa retraite, dès qu’il est un peu remis du choc de tant d’impressions diverses, il se décide à joindre à Bordeaux la duchesse d’Angoulême et M. Lainé, qui s’était rendu auprès de cette princesse. Parvenu un peu au-delà de Libourne, il trouve les passages interceptés par les troupes impériales, et doit regagner ses foyers. Des avis menaçans lui parviennent. Sur les instances de sa famille, il abandonne sa demeure, que la gendarmerie cerne et visite. Sa position de fugitif lui devient promptement à charge ; il forme la résolution de venir se mettre lui-même aux mains des autorités, et, après deux entretiens successifs dans lesquels il fait connaître au préfet et au général commandant à Périgueux ses sentimens et ses intentions, il est rendu à la liberté et au repos.

La courte période de la première restauration avait suffi pour lui inspirer un attachement sincère à la personne du roi, et ses affections avaient ainsi donné un appui nouveau à ses principes politiques. Pendant les cent jours, nulle pensée de faiblesse ne vint aborder son ame.