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ne tardèrent pas à révéler son inconduite. Placidie la chassa du palais, puis de la ville, et la fit embarquer pour Constantinople, où Théodose Il la tint sous bonne garde. Ces faits se passaient en 435. Plus tard, le cœur de Placidie s’adoucit ; elle rappela sa fille et la laissa vivre près d’elle à Ravenne. Attila cependant croissait rapidement en puissance, et déjà l’empire d’Orient se reconnaissait son tributaire. Quinze ans s’étaient écoulés depuis le message d’Honoria, et l’on eût pu croire qu’il l’avait oubliée. Jamais, dans ses rapports avec l’empire d’Occident, il n’avait dit aucun mot de sa fiancée ; mais Attila n’oubliait rien, et tout prétexte lui semblait bon, pourvu qu’il fût utile. Or il avait en main un prétexte personnel, et l’honneur du nom de Théodose était à sa merci.

Ce fut au milieu de ces alarmes et de ces chagrins que Placidie mourut, le 22 novembre 450, à l’âge d’environ soixante-deux ans. Elle avait disposé sa dernière demeure avec grand soin, on dirait presque avec coquetterie, dans une chapelle dont nous pouvons admirer encore, près du monastère de Saint-Vital à Ravenne, l’architecture simple et gracieuse. Elle y avait fait placer à droite et à gauche deux tombeaux, l’un pour son frère, l’autre pour son mari, et pour elle-même, dans le fond, sous la coupole, un cénotaphe plus élevé où l’on pouvait se tenir assis, et dont le marbre blanc sans sculpture était revêtu de lames d’argent. Elle y fut déposée, ainsi qu’elle l’avait ordonné, en habits d’impératrice et assise sur un trône de cyprès, comme si la soif de régner, mobile de toute sa vie, eût encore animé sa froide dépouille. Cette reine des morts traversa ainsi onze siècles, protégée par la dévotion populaire, qui voyait en elle une sainte, et crut plus d’une fois en avoir obtenu des miracles. On raconte qu’il y a environ trois cents ans, des enfans qui jouaient dans la chapelle jetèrent du feu par la petite fenêtre ouverte à la paroi postérieure du tombeau, et que le suaire de la morte s’enflamma. L’incendie gagna bientôt le trône et les panneaux de cyprès dont l’intérieur était lambrissé, et, quand les moines du couvent voisin accoururent pour porter secours, ils ne trouvèrent plus que des ossemens calcinés sur un amas de cendres. Un d’entre eux, plus curieux que les autres, eut l’idée de mesurer ces os qui lui parurent de grande dimension, et il fut constaté qu’en effet la femme à laquelle ils avaient appartenu dépassait en hauteur la taille ordinaire des femmes.

Tel est le dernier renseignement de l’histoire sur la fille de Théodose.


AMÉDÉE THIERRY.