Montbazon. Outragée par cette rivale[1], mal défendue par un mari qui ne sait pas même être jaloux, elle cède à la contagion de l’air qu’elle respire, et, après avoir été quelque temps exilée dans les distractions magnifiques de l’ambassade de Munster, de retour à Paris, elle se laisse subjuguer à l’esprit, au grand, air, à l’apparence chevaleresque du prince de Marcillac, depuis le duc de La Rochefoucauld. Cette liaison décidé de sa vie et en termine la première partie en 1648.
La fronde avec ses vicissitudes, l’amour tel qu’on l’entendait à l’hôtel de Rambouillet, l’amour à la Corneille et à la Scudéry, avec ses enchantemens et ses douleurs, mêlé aux dangers et à la gloire, traversé de mille aventures, vainqueur des plus rudes épreuves, et succombant à sa propre infirmité, s’épuisant bientôt lui-même, telle est la seconde période, si courte et si remplie, qui, commencée en 1648, finit au milieu de 1654.
Depuis, toute la vie de Mme de Longueville n’est qu’une longue pénitence, de plus en plus austère, jusqu’à sa mort en 1679.
Ainsi d’abord un éclat sans tache, puis les fautes, puis l’expiation, voilà comment se partage la carrière de Mme de Longueville.
L’expiation est parfaitement connue, grace à tant de documens authentiques et à la publication faite par nous il y a quelques années de la correspondance que Mme de Longueville entretint pendant les vingt-cinq dernières années de sa vie avec ses amies les Carmélites de la rue Saint-Jacques, avec Port-Royal, et avec son directeur, M. Marcel, curé de Saint-Jacques du Haut-Pas[2]. On ne possède d’elle, ou du moins nous n’en avons pu découvrir, aucune lettre un peu intéressante qui remonte à la première époque, celle qui précède La Rochefoucauld et la fronde : le bonheur innocent ne laisse guère de traces. C’est sur l’époque intermédiaire que nous avons dirigé nos nouvelles recherches, et elles n’ont pas été sans fruit.
Les deux sources principales auxquelles nous avons puisé sont les manuscrits de Conrart, déposés à la bibliothèque de l’Arsenal et d’où M. de Montmerqué a déjà tiré plus d’une pièce précieuse, ainsi que les papiers de Lenet, l’agent le plus important du prince de Condé, dont la correspondance, conservée à notre grande Bibliothèque nationale, forme plus de trente volumes in-folio. On y trouve, avec les pièces justificatives des Mémoires de Lenet[3], une foule de documens du plus grand intérêt, que les historiens récens de la fronde n’ont pas même daigné consulter, surtout un très grand nombre de lettres autographes
- ↑ Sur cette affaire de lettres d’amour attribuées par Mme de Montbazon à Mme de Lougueville, voyez Villefore, p. 45-53 ; Retz, édit. d’Amsterdam, 1731, t. Ier, p. 63 ; Mme de Motteville, édit. d’Amsterdam, 1750, t. Ier, p. 174-181.
- ↑ Voyez la IVe série de nos ouvrages, Littérature, t. III, p. 297-308.
- ↑ Mémoires de M. L…, 2 vol., 1729.