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ses Mémoires, elle-même reconnaît le parfait désintéressement de Mme  de Longueville, son sincère attachement à son frère, et son peu de goût pour la politique. « L’on[1] s’étonnera sans doute que Mme de Longueville ait été une des premières (à se jeter dans la fronde), elle qui n’avoit rien à espérer de ce côté, et qui n’avoit aucun sujet de se plaindre de la cour… M. le Prince avait pour Mme sa sœur une extrême tendresse. Elle, de son côté, le ménageoit moins par intérêt que pour l’estime particulière et la tendre amitié qu’elle avoit pour lui… Mme de Longueville savoit très mal ce que c’étoit de politique… » En même temps elle l’accuse d’avoir cherché l’éclat et l’apparence, de n’avoir eu aucun motif solide dans sa conduite, d’avoir sacrifié à une fausse gloire la fortune et le repos, et tout cela sous l’influence de La Rochefoucauld. « Ce fut, dit-elle, M. de La Rochefoucauld qui inspira à cette princesse tant de sentimens si creux et si faux. Comme il avoit un pouvoir fort grand sur elle, et que d’ailleurs il ne pensoit guère qu’à lui, il ne la fit entrer dans toutes les intrigues où elle se mit que pour pouvoir se mettre en état de faire ses affaires par ce moyen… Marcillac, qui la gouvernoit absolument, et qui ne vouloit pas que d’autres eussent le moindre crédit auprès d’elle, ni même qu’ils parussent y en avoir, l’éloigna fort du coadjuteur, qui n’auroit pas été fâché de la gouverner aussi, et qui l’étoit beaucoup que cela ne fût pas… Marcillac par son intérêt seul fit voir à Mme de Longueville… Sitôt que Marcillac, qui ne se hâtoit et ne pressoit tant Mme de Longueville que pour en avoir plus tôt ce qu’on lui avoit promis du côté de la cour, en eut obtenu ce qu’il prétendoit, il ne pensa plus guère aux intérêts des autres ; il trouva dans les siens tout ce qu’il cherchoit, et son compte lui tenait d’ordinaire toujours lieu de tout. Il fit même trouver bon à Mme de Longueville qu’on n’eût point pensé à elle… »

Retz confirme en ce qui le regarde les insinuations de Mme de Nemours, et prend soin de nous bien expliquer lui-même ses prétentions d’un moment et jusqu’à ses espérances. Il achève ainsi le portrait qu’il nous a tracé de Mme de Longueville : « Elle eût eu peu de défauts, si la galanterie ne lui en eût donné beaucoup. Comme sa passion l’obligea de ne mettre la politique qu’en second dans sa conduite, d’héroïne d’un grand parti elle en devint l’aventurière. »

Pour justifier et pour peindre avec la plus parfaite exactitude les sentimens et l’ame de Mme de Longueville, nous aurions pu nous borner à citer deux passages décisifs du témoin le plus impartial des choses et des personnes de ce temps, Mme de Motteville : « En s’attachant à M. le Prince par politique, le pr ince de Marcillac s’étoit donné à Mme de Longueville d’une manière un peu plus tendre, joignant les

  1. Mémoires de Mme da duchesse de Nemours, édit. d’Amsterdam, 1733, p. 12.