habitations, quoique nous ramenant à cinq cents ans en arrière, signalent le goût d’un peuple plus avancé en civilisation que les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Ces maisons à ogives, aux portes cintrées, sont meublées de bahuts en chêne, de lits à colonnes, de sièges sculptés ; les glaces, les miroirs, les pendeloques de Venise ornent les appartemens et les poutres ; l’es verreries, la poterie italienne du XIVe siècle, garnissent les gradins des buffets. Une rampe étroite et raide conduit du rivage au rocher sur lequel la ville est bâtie. Quand on a parcouru le dédale de rues sombres et tortueuses qui contournent le pâté de la citadelle gothique, et que du parapet l’on aperçoit à la plage les colonnes du temple de Bacchus, le contraste est saisissant ; ces ruines de l’art grec, ces décombres des temps féodaux confondus dans le même éboulement et contemplés par un homme de notre âge, donnent à l’ame une leçon directe, un avertissement bien autrement sévère que toutes les phrases philosophiques des livres. Là encore, comme partout dans ces contrées, le voyageur rencontre avec émotion des restes du puissant établissement de la France en Orient. Cette fois, ce n’est ni un comptoir pour le commerce, ni quelque vieille tourelle de guerre, mais un édifice religieux qui rendit des services plus durables et plus sûrs à la mère-patrie. Nous voulons parler du collège fondé à Naxos par les jésuites, dont les bâtimens servent actuellement d’asile aux lazaristes. Dans ces grandes salles vides, sur ce préau désert, dans la chapelle avec ses fleurs de lis, devant les écussons aux devises françaises, on se souvient amèrement de la haute position que la France, grace à ses missionnaires, avait acquise dans le Levant avant la révolution.
Quand nous eûmes, durant huit jours, parcouru Naxos en tous sens, visité ses manoirs et ses jardins, gravi ses montagnes et chassé dans ses plaines, nous commençâmes à soupirer après le départ. Ne sachant plus où aller et le séjour de la frégate se prolongeant, nous prîmes l’habitude de nous rendre à une demi-lieue de la ville, dans une maison occupée par un Maltais. Cet homme, à notre arrivée, avait établi une mauvaise auberge où nous trouvions des limonades, du vin, du café, des pipes et du tabac parfumé. La situation de cette échoppe nous plut ; placée auprès des ruines d’un castel, au bord de la mer, à l’issue d’un ravin boisé, elle servit de rendez-vous aux chasseurs, aux touristes et aux collectionneurs, qui venaient y attendre les canots de la Fleur de Lis. De la terrasse, nous assistions en fumant à l’arrivage ou au départ des sacolèves qui allaient d’une île à l’autre faire l’échange des denrées. Les femmes, les enfans embarquaient avec les hommes armés jusqu’aux dents ; des galettes, des fruits, des oignons, des figues, des raisins secs, deux ou trois barils d’eau, composaient la cargaison, et la barque poussait au large. Ces gens, qui appareillaient presque