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II

L’histoire des évêques de Paris est pour ainsi dire le corollaire indispensable de l’histoire de Notre-Dame. Depuis saint Denis, l’apôtre de Lutèce, jusqu’à notre temps, la liste chronologique des prélats parisiens ne comprend pas moins de cent vingt-cinq noms, qui résument en quelque sorte l’histoire du catholicisme français. Des saints, des martyrs, des écrivains, des hommes d’état, figurent dans cette longue liste, et chaque homme éminent représente à sa date les tendances les plus saillantes de l’esprit du clergé national.

En remontant aux origines mêmes, nous trouvons cette obscurité qui enveloppe, sur tous les points de la France, la propagation première du christianisme. Le plus ancien de nos évêques, saint Denis, est-il, comme l’ont prétendu quelques érudits, le même personnage que saint Denis l’aréopagite ? A-t-il vécu dans le Ier ou le IIIe siècle ? Telle est la question que se sont posée les écrivains ecclésiastiques, qui, trouvant un saint sur le calendrier, n’auraient point osé révoquer en doute son identité. — Saint Denis n’a jamais existé, disent à leur tour les sceptiques, qui, comme Launoy, le dénicheur de saints, n’acceptent le martyrologe que sous la réserve d’un contrôle sévère : ce saint et ses deux compagnons Rustique et Éleuthère ne sont que l’incarnation légendaire de Bacchus sous ses trois noms mythologiques. Le christianisme, qui convertissait jusqu’aux pierres des temples païens en les jetant dans les fondations des églises, le christianisme aurait ainsi converti même le dieu du vin, métamorphosé en apôtre, pour fixer, par la puissance des souvenirs, la vénération des adeptes de la religion nouvelle dans les lieux consacrés par la vénération des païens. — Ce problème agiographique a donné lieu à une polémique très vive ; on a beaucoup écrit sans rien prouver, et la question est restée indécise comme au moment où elle a été soulevée. Ce qui concerne les successeurs immédiats de saint Denis n’est pas mieux connu, et cette incertitude, cette obscurité, qui se retrouvent pour les premiers âges dans l’histoire de la plupart des diocèses, semblent prouver que le christianisme, à sa naissance, resta, pendant un assez long espace de temps, à l’état de doctrine occulte, et que ce qu’on appelait une église dans les premiers siècles n’était, à proprement parler, qu’une association formée entre quelques initiés.

Paul, le septième évêque, qui vivait au temps du concile de Paris, en 361, est resté célèbre par un Traité de la Pénitence, dirigé contre les doctrines de Lucifer de Cagliari, qui avait jeté dans les consciences une sorte de terreur religieuse, en développant dans un écrit plein de dureté cette maxime désolante : qu’il ne faut pas épargner ceux qui pèchent contre Dieu. Les pénitens, n’espérant plus leur pardon, se précipitèrent'