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vers l’abîme ; Paul essaya de leur rendre le courage, en leur montrant l’expiation dans le repentir et la clémence infinie de ce dieu nouveau qui venait de détrôner les dieux égoïstes et sans pitié de l’Olympe antique. Le Traité de l’évêque Paul exerça une influence très salutaire dans les Gaules, où, comme le disent les bénédictins, le livre de Lucifer avait fait autant de désespérés qu’il y avait de pénitens. Ainsi la première œuvre littéraire de l’épiscopat parisien est une œuvre de mansuétude et de tolérance, et, il faut le dire pour l’honneur de l’église gallicane, la tolérance fut toujours son caractère distinctif : jusqu’au XIIe siècle, il n’y eut point en France une seule persécution, et à toutes les époques les hommes éminens de notre clergé national se sont souvenus du précepte de saint Bernard, que la foi doit être enseignée et non imposée, fides suadenda, non imponenda. Ce n’est point l’église de France qui a conseillé les rigueurs barbares dont on l’a trop souvent rendue responsable ; c’est la politique qui s’est couverte pour les commettre du prétexte de la religion.

Parmi les successeurs de Paul, saint Marcel ou saint Marceau, Parisien de naissance, se distingua par sa science et ses vertus, et si l’on cherche à dégager du symbolisme de la légende des faits précis ou du moins probables, on peut penser que Marcel, comme le Hongrois saint Martin, fit sortir la religion nouvelle de la réserve dans laquelle elle s’était tenue jusqu’alors vis-à-vis de l’ancien culte, et qu’il prit vigoureusement l’offensive contre les traditions du paganisme. Un dragon monstrueux, dit la légende, répandait la terreur dans les environs de Paris ; saint Marcel, voulant débarrasser la contrée de cet hôte redoutable, contre lequel les armes et le courage ordinaire ne pouvaient rien, alla le chercher dans son repaire, lui donna trois coups de crosse sur la tête, l’attacha avec son étole, et, le traînant au bord d’une rivière, lui ordonna de se jeter à l’eau ; ce que le monstre exécuta avec une docilité parfaite. Ce monstre n’est autre chose que l’emblème du démon, père de l’idolâtrie, comme le triomphe de saint Marcel est le triomphe même du christianisme. Cette légende populaire pendant le moyen-âge fut dramatisée à la procession des Rogations, où les habitans de Paris virent figurer, pendant plusieurs siècles, un grand dragon d’osier. Le nom du saint qui en est le héros est devenu le nom de l’un des quartiers les plus importans de la capitale, et aux deux extrémités de cette ville qui a donné le signal de toutes les révolutions et sapé toutes les croyances, Montmartre, le mont des martyrs, et le faubourg Saint-Marceau rappellent encore les âges héroïques du christianisme.

Saint Germain, le vingtième évêque, qui monta sur le siège de Paris vers 555, marqua, pour ainsi dire, l’avènement de l’influence de l’épiscopat sur les destinées de la monarchie française. Placé en présence