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d’en finir avec les étrangetés de M. Raspail, quoiqu’il y eût là pour appât un vrai ragoût de scandale ; elle a soutenu assez mollement les violences de M. Hugo contre les récriminations de l’assemblée ; elle a un peu traité l’ancien pair de France en nouveau converti, ne le recevant guère qu’à correction, quoiqu’on ne voie pas trop les corrections qu’il puisse encore s’appliquer. Pour tout argument contre ses alliés d’autrefois, elle lui a suggéré de plaider la naïveté qui l’avait rendu leur dupe. C’est ce qui s’appelle une circonstance atténuante ! « Si c’était vrai, répondait à cela M. Dupin, il aurait bien pu l’imaginer lui-même. » La montagne, en effet, ne se mettait pas là précisément en frais d’invention. Elle a tout réservé, son habileté, son adhésion, le sens particulier de son concours, elle l’a réservé pour la harangue de M. Michel (de Bourges), une harangue où le vieil homme ne se reconnaît guère que par places, une harangue insinuante et caressante où il est prouvé que tout le monde appartient de cœur à la république, et que la république, celle des montagnards, ne demande qu’à embrasser tout le monde, qui sait ? peut-être même des princes ! M. Michel (de Bourges) ne leur a pas toujours été sévère, Dieu nous garde de le lui reprocher ! Nous soupçonnons seulement qu’avec la meilleure volonté possible, il n’eût pas trouvé moyen de marquer tant de ménagemens à l’endroit des institutions déchues et des personnes mortes, tant de bonne grace à l’endroit des personnes vivantes, si l’on eût pensé, d’un bord ou de l’autre, que toute cette monnaie d’amabilités fût de l’argent comptant. La montagne a été modérée dans la forme et presque dans le fond, presque flatteuse pour ses adversaires ; il n’y a pas jusqu’à M. Pascal Duprat qui n’ait payé son tribut d’hommages « à la parole divine » de M. Thiers. Nous nous félicitons de l’humanité qui s’est ainsi introduite, en un moment des plus délicats, dans les mœurs de parlementaires jusque-là moins civilisés ; nous nous félicitions de même tout à l’heure du libéralisme que les légitimistes arboraient si à propos. Il y a là des progrès qu’on ne saurait nier. Tout ce que nous en voulons dire, c’est qu’on était d’autant plus à l’aise pour être si raisonnable, que l’on ne se dissimulait pas, en abordant le débat, qu’il n’y avait point derrière de solution immédiate à espérer ou à craindre. Encore une fois, rien ne tirait à conséquence.

Nous nous arrêtons exprès à la physionomie générale que nous présente dans son ensemble le débat de la révision. Cette physionomie du parlement fait avec l’aspect du pays un contraste assez frappant pour qu’on ne le puisse cacher. Si par agitation il faut toujours entendre un mouvement violent et désordonné, non, le pays n’est pas plus agité en sollicitant la révision du pacte de 1848 que le parlement ne l’était en la refusant ; mais il y a dans le pays un mouvement profond et continu qui le pousse à désirer un meilleur ordre de choses, et qui le pousse assez fort pour lui ôter le loisir de douter qu’il l’obtienne. La minorité légale qui a rejeté la révision ne se figure pas ou ne veut pas se figurer la permanence et l’intensité de ce mouvement ; les orateurs de la majorité qui ont tâché de convaincre les dissidens ne leur ont peut-être pas assez représenté cette force immense du vœu national, exprimé par les quinze cent mille signatures du pétitionnement. Il y avait sans doute plus d’une difficulté de convenance, plus d’un péril de tribune, à poser pour ainsi dire l’une contre l’autre la nation et sa législature, à invoquer la pression du dehors contre ceux du