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politiques, toujours avec les mêmes préoccupations, les mêmes tendances, vos appréciations ne soient plus les mêmes que si vous vous retrempiez pendant un temps plus ou moins prolongé dans la vie commune, dans vos rapports avec vos commettans, dans les habitudes professionnelles, dans cette masse dont vous êtes sortis. Vous cheminez trois ans sous cette influence, pendant que les masses qui vivent, elles, de la vie commune, qui ne font pas de la politique leur préoccupation exclusive et continuelle, qui se retrempent dans leurs travaux, dans les diversions de la famille, dans les communications d’homme à homme, ces masses restent calmes, froides, et conservent leur appréciation des situations et des actes. »

Dans l’étroite enceinte parlementaire, dans cette atmosphère pesante, les vieilles passions se concentrent à leur aise ; on y cuve, si nous osons ainsi parler, ses vanités ou ses rancunes ; les froissemens de tous les jours y surexcitent les mobiles personnels ; on s’y crée par une hallucination fiévreuse, avec cette fièvre que M. Barrot dénonçait, avec une fièvre plus ou moins chaude selon les tempéramens, on s’y crée un petit monde de convention dans lequel on voudrait faire rentrer et surtout faire tenir le grand, le véritable. Le véritable n’en va pas moins son chemin à l’air libre ; tant pis pour qui ne le rejoint pas à temps. C’est comme cela que les majorités se déplacent et se transforment, quand les assemblées viennent se renouveler dans le suffrage électoral ; c’est comme cela que l’esprit de la législative a succédé en 1849 à l’esprit de la constituante. Nous souhaitons sincèrement pour la législative de 1849 qu’elle se mette mieux au courant de l’esprit de 1852.

Peut-être avons-nous réussi maintenant à démêler le fond des impressions assez tristes que ce long débat parlementaire a laissées après lui. On admirait de tout cœur l’éloquence généreuse des avocats de la révision ; mais dans cette admiration même il y avait le chagrin de penser que tant d’efforts n’allaient point aboutir, et que ceux qui luttaient d’un si beau zèle ne luttaient que pour l’acquit de leur conscience, pour l’acquit de leur honneur, et non point pour une victoire. Il était dur aussi de penser, quoiqu’on ne prévît point d’abord certaines ardeurs de défection, que la majorité conservatrice ne se rallierait pas entièrement au moyen de conservation le plus efficace dont elle pût disposer, qu’elle ne réduirait point à leur isolement naturel les adversaires naturels du projet. On a eu plus qu’on ne l’attendait le spectacle d’alliances bien étranges, on a pu lire au scrutin des noms qui juraient bien avec leur entourage ; on a pu mesurer ainsi tout l’empire que les motifs particuliers exerçaient sur les intelligences le mieux préparées à saisir les grands motifs qui décident des destinées publiques. On a mesuré surtout cet écartement déplorable qui éloigne de jour en jour davantage des voies du pays, de ses directions les plus marquées et les plus chères, les hommes qui étaient le mieux faits pour l’y conduire. Cette tristesse néanmoins où nous ont jetés les accidens bizarres et les aspects sombres du dernier drame parlementaire, cette tristesse ne doit pas être du découragement, tant sans faut ! La majorité relative, même privée des quelques suffrages notables sur lesquels elle avait le droit de compter, reste encore plus forte qu’on ne l’aurait espéré avec la très modeste confiance que l’on plaçait dans une première tentative. 446 voix contre 278 ne peuvent rien pour un succès définitif aux termes de la constitution. 446 voix répondant, au sein du