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des îles Ioniennes, avec l’autorisation du gouvernement anglais, et les possesseurs annonçaient à l’Europe que la vente en serait faite à l’enchère le 1er mai 1814, nulle offre ne devant être admise au-dessous de 60,000 talaris d’Espagne. C’est ainsi qu’Alcamènes est allé rejoindre Phidias au Muséum britannique. Peu s’en est fallu que les membres du Panhellénium d’Égine ne prissent le même chemin. Ils furent, eux aussi, retrouvés, emportés et vendus par des Anglais, et à la même époque ; mais un souffle plus heureux les poussa vers Rome, où Thorwraldsen les restaura. Le prince Louis de Bavière, qui n’était pas encore roi, les a plus tard achetés pour en doter son pays, où un asile honorable leur est assuré dans une ville qu’on nomme à juste titre l’Athènes de l’Allemagne.

Un ami de Byron, lord Sligo, avait le dessein de consacrer quelque argent à chercher des antiquités. Le poète, qui demeurait alors à Athènes, lui offrit de surveiller en son absence les travaux : et l’emploi des fonds ; puis il ajouta : « Fiez-vous à moi ; je ne suis pas dilettante. Tous vos connaisseurs sont des voleurs ; mais j’estime trop peu ces sortes de choses pour en dérober jamais. » Le mot de Byron, répété depuis par le voyageur Christian Muller, est un peu plus que sévère ; mais comment le retenir en présence des faits que nous venons de rappeler ? Du reste, on l’a vu, si de tels actes ont pu aisément s’accomplir, c’est que les Turcs n’avaient pour les empêcher ni puissance réelle ni autorité morale.


II

Il était temps que la guerre de l’indépendance vînt remettre les monumens antiques de la Grèce aux mains de ceux qui avaient à les bien garder l’intérêt le plus immédiat et le plus grand. Depuis vingt ans, une destinée nouvelle et digne des noms qu’ils rappellent a commencé pour ces beaux édifices. Absorbés par le travail rude et ingrat de leur régénération politique, les Hellènes auraient pu se borner à protéger uniquement les œuvres du passé : leur devoir n’allait pas au-delà ; mais un moyen sûr leur était offert de répondre à l’une des espérances de l’Europe et de reconnaître en même temps d’immenses services : c’était de recueillir pieusement et de rendre à l’art et à l’histoire jusqu’au plus mince débris de l’antiquité. Ils l’ont compris ; et dès les premiers jours, loin d’abandonner ou de dilapider leur héritage, on les a vus s’en constituer eux-mêmes les conservateurs habiles et vigilans.

C’est en 1837 qu’une société archéologique se forma dans la capitale de la Grèce avec l’approbation empressée du jeune roi Othon. Cette société s’imposait la difficile tâche de découvrir, déblayer et restaurer les antiquités grecques : toute personne résidant soit en Grèce, soit à l’étranger, pouvait en devenir membre au prix d’une contribution annuelle, dont le minimum était fixé à 15 drachmes. Des noms