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grecs, des noms étrangers, tous honorables, quelques-uns illustres, répondirent promptement à l’appel des fondateurs, et, à partir de cette même année, la nouvelle hétairie fonctionna régulièrement. Depuis, en juin 1848, elle a été de nouveau et plus fortement organisée. Son but est double désormais : elle ne se contente plus d’ordonner et de diriger des fouilles et des réparations ; elle s’occupe en outre de recherches archéologiques et historiques, et, à l’exemple de notre Académie des inscriptions, elle publie des mémoires[1]. L’utilité d’un tel institut n’est pas contestable : on apprécie le bien qu’il a fait et celui qu’il peut promettre en lisant le résumé de ses Actes. Ce livre intéressant, dû en grande partie à la savante plume de M. A. Rizo-Rancavi, fait assister le lecteur à la résurrection lente, mais sensible, de tous les grands monumens, grecs. Il est aisé de dire, d’après ces comptes-rendus, comment l’entreprise de la société archéologique d’Athènes a été jusqu’ici poursuivie.

Il est un sentiment très vif, connu de quiconque a vécu dans les pays classiques et surtout en Grèce, c’est une préoccupation constante, une sorte de trouble d’esprit qui montre partout au voyageur sous le sol qu’il foule des merveilles enfouis. En proie à ce démon dont Chateaubriand était possédé quand il traversa Mycènes[2], on est sans cesse à interroger les profondeurs de cette terre où se sont engloutis tant de chefs-d’œuvre. Il faut se défier pourtant de cet entraînement, qui ne conduit guère qu’à des mécomptes. Les Hellènes, dont le génie est particulièrement positif et pratique, n’ont cédé qu’une fois à ce besoin d’explorations souterraines aussi coûteuses que stériles : ce l’ut qu’ils achetèrent, avant de l’avoir suffisamment étudié et sondé, l’emplacement où ils comptaient retrouver de notables vestiges du théâtre de Bacchus. À part cette fausse démarche, qui s’explique et se justifie d’ailleurs par l’importance de son objet, le zèle de la société archéologique a toujours été guidé par un sage discernement. C’est au culte des chefs-d’œuvre de l’antique, et non à restaurer de vulgaires débris, qu’elle a de préférence appliqué ses faibles ressources.

La première et la plus large part de ses revenus a été appliquée au temple de Minerve ; c’était justice. Les curieux qui aujourd’hui font à leur aise le tour du Parthénon, qui le considèrent sans obstacles de tous les points de vue et en parcourent librement le pavé sacré, ne savent pas ce qu’il en a coûté pour le livrer dans son ensemble à leurs

  1. Les étrangers peuvent, comme autrefois, en devenir membres ; seulement la cotisation annuelle a été portée de 15 drachmes à 36, moyennant quoi on peut se donner le mérite de contribuer à conserver les plus beaux édifices sortis de la main des hommes.
  2. « Singulière destinée, dit Chateaubriand dans l’Itinéraire, qui me fait sortir tout exprès de Paris pour découvrir les cendres de Clytemnestre ! » Cette découverte n’était qu’un rêve de poète. « Les tombeaux qui résonnèrent sous les pieds de Chateaubriand étaient ceux de Halil, aga d’Argos, assassiné en 1771 par les brigands, et de son domestique. » Voyez Pouqueville, Voyage en Grèce, t. V, P. 190.