bondit et plonge de haut dans le golfe d’Argos ; mais par quelle pente insensible l’Attique, s’éloignant à regret e ses ports, gravit long-temps avec une lenteur calculée les flancs du Pentélique, et va s’asseoir enfin au vert sommet de cette montagne, d’où les regards retrouvent tant de mers à la fois ! Partout autour d’Athènes, excepté aux endroits gâtés par la main de l’homme, le ruisseau devient rive, la rive devient plaine, la plaine monte unie et continue, semblable à et ces lames immenses qu’un souffle égal pousse d’une même et puissante haleine, et quand, arrivé sur la cime, vous demandez où a commencé la montagne, tout vous dit que c’est au ruisseau. De cette gradation qu’observent les plans principaux en se succédant naît, avec la grace, une singulière harmonie, et cette harmonie produit à son tour la proportion. En effet, lorsque les élémens d’un tout se tiennent, s’accordent et se préparent, lorsque nul n’entreprend sur son voisin soit pour l’effacer, soit pour le dominer seulement, on peut s’assurer que la proportion est dans ce tout. Assis à Tatoï, non loin des ruines de Décélie, je cherche dans cette Attique, qui se peut nommer l’archétype des paysages grecs, j’y cherche une colline trop petite, une montagne à abaisser, un golfe à étendre, une baie à mieux arrondir : rien de défectueux, rien d’incorrect ne se présente à ma vue. La masse même de l’Hymette ne saurait dépasser ce tableau ; elle est le fond imposant de cette scène incomparable.
Une rare simplicité met le comble à tous ces mérites. Il est des sites beaux sans contredit par la richesse qui s’y déploie, mais qu’une indiscrète et exclusive admiration a rendus presque vulgaires. Il y a une nature théâtrale qui n’a rien à démêler avec la Grèce. Ici, des effets d’ensemble de l’ordre le plus élevé sont obtenus par des moyens presque invisibles, sans fracas, sans charlatanisme. Une telle nature n’enivre pas, ne monte pas à la tête ; c’est à l’intelligence qu’elle s’adresse, non aux nerfs ni aux sens. Celui qui irait chercher là des impressions ou des secousses se serait trompé. Comme aucune forme n’y prédomine, tout cela est calme, grave et n’excite point. Pour en saisir le seul sens caché, il faut du temps et un habituel commerce avec les mêmes lieux. Et puis, de même qu’on n’a compris qu’avec l’étude, on n’admire qu’à bonnes enseignes, mais profondément et de cette admiration vraie qui s’exprime sans gestes et parle sans cris. Celui qui déclame sur la nature en Grèce se bat les flancs et n’a rien senti, rien compris. La perfection tout idéale de ces tranquilles aspects ne peut atteindre le cœur qu’en passant par la raison. Les voir n’est pas assez, il les faut regarder naïvement et fortement. Cette volonté de regarder comme d’autres réfléchissent, mais en pleine liberté d’esprit et en dehors de tout système, porte toujours ses fruits. Par ses proportions modérées, la nature grecque s’abaisse en quelque sorte à la taille de l’homme, vient doucement au-devant de lui, l’invite à la contempler et, pour qui sait