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ait fait un second noviciat, et non pas pour l’amour de Dieu, mais de tout cœur, en ayant le don d’y prendre plaisir. Les fruits en sont là. Il a appris à lire une autre des écritures de la nature. S’il ne s’est pas fait des facultés nouvelles, il a développé ses facultés secondaires, d’abord sacrifiées à ses facultés dominantes, et il a montré que la minorité de son parlement intérieur surpassait en nombre les majorités de bien des cerveaux.

À ce point de vue, ses drames étonnent d’un bout à l’autre, car c’est vers le drame qu’il a été ramené, comme son Paracelse avait été rejeté vers le besoin de vivre. Dès qu’on ouvre ses Bells and Pomegranates, on est frappé d’un changement complet de manière. Autrefois M. Browning cherchait à peindre des lois générales ou morales sans les peindre par les actions et les effets qui, dans ce monde, sont leur unique manière de se montrer, et par cela seul il était forcé de leur donner une réalité fantastique en les représentant, elles et leurs opérations, par des analogies prises de tous côtés. Maintenant le penseur presbyte fournit à l’appui de ses conclusions les remarques d’un observateur myope. Quoique ses personnages soient toujours des êtres particuliers composés d’élémens généraux, il les fait comprendre par des voies et moyens qui s’adressent aux sens. Pour chaque circonstance, il trouve en lui le souvenir d’une petite scène prise sur le fait, et il la crayonne, de telle façon, que son esquisse fait ressortir à la fois les lois morales ou générales qu’il veut montrer à l’œuvre dans cette façon d’agir, et la physionomie du procédé lui-même avec ses autres aspects. Penseur comme il l’était, il garde les avantages en évitant les inconvéniens des natures réfléchies, qui trop souvent ont l’air de connaître les agens qui se manifestent par les choses, sans connaître les choses qui sont leurs manifestations. Bref, il a même la minutie d’un Flamand, et c’est là un précieux renseignement, car il nous apprend que M. Browning peut regarder ce qui se passe devant lui, quoiqu’il réfléchisse, ce qui est rare ; il nous apprend aussi que c’est d’après ses propres observations qu’il généralise. Cela explique sans doute pourquoi ses généralisations, au lieu d’être des idéalités, sont des milliers de réalités dans une seule définition.

Mais le résultat, mais les drames eux-mêmes ? Oui, les œuvres, répéterai-je après Festus, c’est là l’important ; « les facultés me sont connues depuis long-temps, mais les hommes ne peuvent voir que les effets et ne tiennent compte que des valeurs réalisées. » Une œuvre, en voulant être un drame, s’impose des conditions spéciales par le seul choix de ses moyens. M. Browning les a-t-il remplies ? — A vrai dire, je n’aurais pas tout-à-fait le droit de me prononcer, car je ne connais pas toutes ses productions dramatiques : entre autres, je n’ai ni vu ni lu la principale, son Strafford ; mais, à juger de l’inconnu par le connu,