de la ville leur barra le chemin. Le jour allait paraître, et les filets que chaque cavalier portait avec lui indiquaient qu’ils se mettaient en route pour les remplir de fourrage. Telle était en effet leur mission. Le chef du détachement interrogea les voyageurs. Le cheval du dragon espagnol que montait encore l’Anglais confirma aux yeux de l’officier l’exactitude des renseignemens que lui donna Berrendo en réponse à ses questions.
Après cette rencontre, la petite caravane ne fut pas long-temps à gagner les premières maisons de Tehuacan, où je la laisserai un instant pour dire qui était le voyageur anglais et le suivre chez le général Teran. William Robinson était propriétaire d’un chargement considérable d’armes à bord d’une goëlette ancrée en-deçà de la barre du Goazacoalcos. Décidé à conclure un marché pour le précieux chargement de son navire avec le premier acheteur qu’il rencontrerait, royaliste ou insurgé, l’Anglais était tombé entre les mains d’un commandant espagnol qui avait prêté l’oreille aux propositions d’un arrangement, d’abord au comptant, puis à crédit. Ce commandant enfin avait imaginé une conclusion plus avantageuse encore pour lui : il avait projeté de prendre le chargement d’armes sans le payer. La première clause du marché souriait beaucoup à l’Anglais, la seconde lui avait causé quelque inquiétude, et enfin il s’était récrié de toutes ses forces contre la troisième. Comme il s’écoulera encore un temps infini avant que la raison du plus fort cesse d’être la meilleure, l’Espagnol avait péremptoirement signifié à l’Anglais qu’il ne recouvrerait sa liberté qu’en lui faisant, par acte authentique, abandon complet de son chargement. Après lui avoir fait observer qu’il était encore bien heureux de conserver la goëlette qui le portait, le commandant du fort de Villegas avait emprisonné le malencontreux négociant. Celui-ci, dégoûté des royalistes, avait songé à Teran et corrompu ses gardiens, ou plutôt les drôles avaient eu l’air de se laisser corrompre, car, après avoir feint de s’éloigner du fort, comme la somme stipulée pour l’évasion du prisonnier leur avait été payée comptant, ils avaient voulu de nouveau ramener l’Anglais en prison, et ils y auraient réussi sans l’heureuse intervention d’Andrès.
Malgré l’élévation récente de sa fortune, le général Teran n’en était pas moins accessible presque à toute heure de nuit comme de jour. L’Anglais ne prit que le temps de loger son cheval à la posada, de manger un morceau, et au moment où le clairon sonnait la diane il se présentait aux portes du palais. Il ne tarda pas à y être introduit, et il se trouva en face d’un jeune homme dont le visage trahissait à la fois la distinction l’affabilité et la plus vive intelligence C’était le général indépendant don Manuel de Mier y Teran ; il était assis devant une table chargée de papiers et de cartes géographiques, car le travail de la