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il l’est à peu près dans son parti ; notons en passant, et pour l’en complimenter, qu’il n’a pas signé le manifeste. On a, dit-on, oublié de crier : vive la république ! comme si, les montagnards, malgré leur ardeur, étaient à leur tour lassés de cette incessante répétition du même cérémonial. La montagne enfin, c’est une justice à lui rendre, n’a fait de scandale durant ces quelques jours que par acquit de conscience, pour la satisfaction de ses amis du dehors, pour les entretenir aux moindres frais possibles en espérance et en joie. Le scandale par lui-même était gros ; mais on le commettait d’un air si bénin et avec tant de placidité, que cela ressemblait tout bonnement à une fusée d’adieu jetée par la fenêtre en guise de souvenir aux spectateurs de la rue. Nous parlons, on le pense bien, du rapport prononcé par M. Schœlcher, au nom du treizième bureau, non pas sur l’élection de M. Waisse dans le département du Nord, mais contre la loi du 31 mai, en vertu de laquelle le nouveau représentant arrivait. On, ne se figure pas ce que c’est que cette irrésistible pression, pression from whithout, qui serre de si près l’extrême gauche parlementaire, — qui, formée de toutes les ambitions et de toutes les fureurs déchaînées en dehors du parlement, pousse sans relâche ceux qu’elle a déjà précipités dans l’enceinte législative ; — qui les pousse quelquefois jusqu’au vasistas du 13 juin. Il faut capituler avec ces exigences turbulentes pour n’en pas être dévoré soi-même ; on leur donne quelque part de gâteau pour endormir leur inquiétude ; c’est le gâteau qu’on donnait à Cerbère : tantôt le rapport de M. Schoelcher, tantôt ce triomphant manifeste de la montagne, car décidément et officiellement on se décore du titre de montagnards, et c’est même la brutalité de ce plagiat, c’est la couleur criante d’un appât si grossier, qui le fait mieux goûter du cerbère démocratique et social. Pendant qu’il va digérer cette lourde nourriture, il laissera peut-être quelque répit à ses flatteurs, à ses esclaves, et M. Crémieux, par exemple, ou M. Sue pourront aller se reposer dans leurs châteaux, comme de simples réactionnaires, sans avoir tout de suite le peuple souverain sur les talons.

Cette fatigue générale de l’assemblée n’a pas médiocrement contribué à maintenir encore en suspens la question déjà si longuement débattue du chemin de fer de Paris à la Méditerranée. Il a fallu se contenter, pour toute solution, d’un nouveau provisoire. À force de discuter pour savoir si le chemin serait fait par l’état ou par l’industrie privée, on a gagné ce grand succès de ne rien faire du tout, ou si peu que rien. La communication de Paris à la Méditerranée se divise en deux sections naturelles, de Paris à Lyon, de Lyon à Avignon. De Paris à Lyon, le chemin de fer, rentré depuis plusieurs années aux mains de l’état, se continue sous la surveillance d’une commission spéciale, et est en grande partie livré à la circulation ; de Lyon à Avignon, il n’y a encore de prêt que des études qui n’appartiennent pas même au gouvernement. Le gouvernement proposait de vendre le chemin de Lyon à des adjudicataires qui s’engageraient à le terminer, et, sur le prix dont ceux-ci auraient payé la partie déjà construite qu’on leur abandonnait, sur les 100 millions que cette opération ramenait au trésor, on en eût prélevé 55 ou 60 pour les accorder, sous forme de subvention à la compagnie qui eût soumissionné le chemin de Lyon à Avignon. Restait à prouver que les compagnies qui se présentaient offraient des garanties suffisantes de bonne et solide exécution. Les commissaires chargés de l’examen du projet de loi et M. Dufaure, leur rapporteur, après quatre mois