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groupe concourent heureusement à l’expression de la pensée conçue par l’auteur. Grace, élégance, force, résolution, resplendissent dans Angélique et Roger ; hardiesse, originalité sans bizarrerie, recommandent l’hippogriffe et le serpent.

Je ne dois pas passer sous silence cinq statuettes équestres qui, malgré l’exiguïté de leurs dimensions, méritent une attention sérieuse : Charles VI, Charles VII, Gaston de Foix, le Général Bonaparte et le duc d’Orléans. Le Charles VI n’est pas une statuette de pure décoration, car M. Barye a représenté le moment où le roi arrêté, au milieu d’une forêt, par un inconnu qui saisit la bride de son cheval, perd tout à coup la raison. L’expression du visage s’accorde très bien avec la scène que l’artiste s’est proposé de traduire. Le Charles VII et le Gaston de Foix, privés du charme de l’action, intéressent par leur élégance. Le costume, bien que fidèlement traité, n’a que l’importance qui lui appartient. Le caractère efféminé de Charles VII, le caractère mâle et résolu de Gaston de Foix, ont fourni à l’auteur l’occasion de montrer comment il comprend l’accord du visage et de la pensée.

Le duc d’Orléans n’est pas moins élégant que les deux ouvrages précédens, et quoique le costume militaire de nos jours soit loin d’offrir au sculpteur les mêmes ressources que le costume des XVe et XVIe siècles, quoique l’armure de Gaston et l’habit de chasse de Charles VII semblent inviter l’ébauchoir, tandis que l’uniforme de nos régimens semble défier toutes les ruses du talent le plus ingénieux, cependant M. Barye a trouvé moyen de respecter l’uniforme, tout en l’assouplissant. Profitant de l’exemple donné par M. David, il a conservé les lignes générales que la coutume lui imposait, mais il n’a pas renoncé au droit d’élargir les basques et de prêter aux mouvemens une liberté, une familiarité qui seules peuvent donner la vie à l’œuvre du peintre et du statuaire. Trop souvent les cavaliers revêtus de l’uniforme militaire ressemblent à des mannequins ; le duc d’Orléans de M. Barye est souple et vivant.

La statuette du général Bonaparte désigne M. Barye comme l’artiste le plus capable d’accomplir la tache si imprudemment confiée à M. Marochetti. Elle offre tous les élémens d’une composition monumentale, et, bien que le tombeau creusé dans l’église des Invalides soit consacré à l’empereur, je ne verrais aucun inconvénient à représenter Napoléon sous le costume du général Bonaparte, car le costume du général, à son retour d’Égypte, se prête heureusement aux exigences de la sculpture, tandis que le manteau impérial semé d’abeilles se raille des efforts les plus hardis. Pour ma part, je ne doute pas que l’œuvre de M. Barye, élevée aux proportions colossales dont je parlais tout à l’heure, ne fit très bonne figure sur l’esplanade des Invalides. Le visage maigre et pensif du général convient à la statuaire ; les joues pleines de l’empereur sont loin d’offrir les mêmes ressources. Les longues