éminens, à partir du plus contesté de tous, de Mariana, dont il est facile de relever les erreurs, et qui n’en reste pas moins, malgré tout, un des écrivains les plus hautement doués du génie historique. L’ouvrage du savant jésuite est un des grands monumens d’une grande littérature. Les travaux historiques en Espagne à peu près comme dans tous les pays, peuvent se diviser en deux classes : les chroniques et les histoires proprement dites. Depuis les origines de la nationalité espagnole jusqu’au XVIe siècle s’étend l’ère des chroniques et des chroniqueurs, qui sont innombrables, et parmi lesquels il faut mettre au premier rang Lopez de Ayala et ses récits sur le règne de don Pèdre-le-Justicier. À partir du XVIe siècle jusqu’au milieu du XVIIe, dans cet espace de temps qu’on a nommé le siècle d’or de la littérature espagnole, est comprise l’ère de l’histoire proprement, dite et des historiens. C’est dans cette période que paraissent, outre Mariana, et pour ne citer que les plus illustres, des écrivains tels que Melo, l’auteur de l’Histoire des Séditions et de la Guerre de la Catalogne sous Philippe IV ; Hurtado de Mendoza, l’auteur de la Guerre des Morisques du royaume de Grenade ; don Francisco de Moncada, l’auteur de l’Expédition des Catalans et Aragonais contre les Turcs. Il faudrait nommer à côté Zuniga, Argensola, Sandoval, Herrera, l’historien des conquêtes des Espagnols dans les Indes. Les histoires spéciales de villes, de provinces, sont innombrables. Le XVIIIe siècke a vu se produire de remarquables travaux historiques tels que l’Espagne sacrée de Florès, l’Histoire critique de Masdeu et des essais spéciaux, d’un mérite supérieur, de Capmany, de Jovellanos, de Campomanès. Dans le mouvement littéraire nouveau dont l’Espagne contemporaine a été le théâtre, il ne se pouvait pas qu’un tel ordre d’études ne retrouvât faveur et ne reçût une certaine impulsion. On pourrait facilement mentionner un nombre suffisant de publications où les auteurs ; s’animant de l’inspiration moderne ; cherchent à s’élever parfois jusqu’à la recherche des lois générales du développement politique et moral des peuples. C’est ainsi que MM. Tapia et Moron ont écrit de véritables histoires de la civilisation espagnole. Un homme d’état contemporain, M. Pidal, a traité à l’Athénée de Madrid le même sujet dans des leçons qui, si nous ne nous trompons, n’ont malheureusement pas été recueillies. M. de Toreno avait préparé avant sa mort une histoire de la maison d’Autriche. Le général San Miguel publiait récemment une Histoire de Philippe II. Nous avons nous-mêmes mentionné, il y a quelques mois, une histoire des Communidades de Castilla sous Charles V, par M. Ferrer del Rio. Joignez à ceci des collections remarquables de documens inédits publiées soit par l’Académie de l’histoire, soit par des particuliers. Bien d’autres ouvrages seraient encore à citer. Ce qui manquait à ce mouvement, c’était une histoire générale d’Espagne, faite avec toutes les sources modernes. Nos voisins avaient jusqu’ici laissé ce soin à des étrangers.
Deux écrivains français de mérite, notamment MM. Romey et Rossew Saint-Hilaire, ont entrepris la tâche laborieuse de débrouiller l’histoire de l’Espagne et ils s’en acquittent encore avec zèle. M. Lafuente essaie aujourd’hui à son tour de combler la lacune qui existait dans la littérature proprement nationale de son pays, en mettant au jour une histoire générale de la Péninsule. Quatre volumes seulement ont paru jusqu’ici ; l’ouvrage en aura probablement douze ou quinze. Ce sera donc un travail complet. Le tome quatrième s’arrête au