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XIIe siècle. Une telle entreprise mérite assurément des éloges en raison de la gravité, et même, s’il nous est permis de le dire, en raison des efforts particuliers qu’a dû s’imposer l’auteur pour vaincre ses anciennes habitudes. M. Lafuente en effet a été l’un des écrivains satiriques les plus vifs de l’Espagne contemporaine ; il a fait pendant long-temps un journal critique de politique et de mœurs sous le pseudonyme de Fray Gerundio. La collection des œuvres de Fray Gerundio ne fait rien moins que quelque vingtaine de volumes : Capilladas y Disciplinazos de Fray Gerundio, Teatro social del siglo XIX, Revista Europea, etc., etc. Pour arriver à la sévérité de l’histoire, il fallait évidemment que Fray Gerandio, après avoir donné la discipline aux autres, se la donnât quelque peu à lui-même. M. Modesto Lafuente n’y a point échoué. Son histoire dénote du savoir, de l’investigation et de l’impartialité ; les bonnes intentions doivent bien compter pour quelque chose en pareille matière L’histoire de M. Lafuente est précédée d’un remarquable discours préliminaire où sont résumés les principes de la science historique, et où est esquissée à grands traits la marche de la civilisation espagnole jusqu’à notre temps. L’auteur, qui a montré jusqu’ici une certaine impartialité, a seulement à se garder de certaines théories progressives qui ôtent souvent le sens des choses du passé autant que des choses du présent. En somme, l’histoire de M. Modesto Lafuente est un de ces ouvrages consciencieux qui méritent toujours l’attention, parce qu’ils dénotent un goût de travaux sévères malheureusement trop peu répandu aujourd’hui, en Espagne comme partout.


CH. DE MAZADE.


L’AQUARELLE SANS MAITRE, par Mme Cavé[1]. — Le succès mérité du Dessin sans maître, dont il a été rendu compte l’année dernière dans cette Revue, a engagé Mme Cavé à publier ce nouvel ouvrage, où elle développe, en les appliquant à la peinture, les préceptes simples et rationnels de sa méthode. De même qu’au moyen du calque, Mme Cavé apprend en très peu de temps à ses élèves à dessiner de mémoire, de même pour l’aquarelle son principal soin est-il d’élaguer ces fastidieuses et nuisibles pratiques où s’use souvent la bonne volonté la plus tenace. Voir, comprendre, se souvenir, telle est la formule de tout enseignement. Mme Cavé s’adresse surtout à l’intelligence de l’élève, lui laissant toute liberté de se faire sa main en dehors des procédés d’école et des recettes d’atelier. C’est d’après la nature qu’elle fait travailler, tout au plus d’après des tableaux à l’huile. Cette peinture étant tout-à-fait différente de la peinture à l’aquarelle, l’élève, toujours disposé à imiter le coup de pinceau, ne risque pas d’emprunter la touche d’un autre. Aussi les élèves de Mme Cavé ont-ils un cachet qui leur est propre ; ils n’ont le faire d’aucun peintre. Quelques règles en petit nombre, mais simples et précises, les initient à l’harmonie des couleurs, sur laquelle l’auteur a doublement qualité pour dire de très jolies choses, et, comme l’enseignement s’adresse aux jeunes personnes, il est naturel que les objets de comparaison soient pris dans des détails de toilette questions toujours très appréciées et promptement comprises par un auditoire féminin. Mme Cavé fait très justement remarquer que les fleurs des champs et des jardins fournissent

  1. Un vol. in-8, Paris, chez Susse, 1851.