de Madras et du Bengale ces canons traînés par des chevaux dont la taille, comparée à celle des poneys tartares, leur semblait tenir du prodige. Au bout de quelque temps, ces pauvres gens s’étaient complètement rassurés. Les sapeurs anglais les employaient à porter les lourdes échelles d’escalade, et les artilleurs se servaient de leurs bras pour faire franchir aux pièces de campagne les passages où l’on était obligé de dételer les chevaux. C’est ainsi que l’armée arriva sous les murs de Shang-haï : elle trouva une ville entièrement abandonnée, où elle entra sans rencontrer la moindre résistance.
La cour de Pe-king ne s’était point laissé décourager par l’occupation d’Amoy et de Ning-po. La prise même de Cha-pou, que les Anglais avaient enlevée et saccagée avant d’entrer dans le Yang-tse-kiang, n’était qu’un désastre facilement réparable ; mais les progrès de la flotte anglaise dans ce fleuve, qui, comme une immense artère, distribue la vie à toutes les parties du territoire ; ces progrès, que le cabinet impérial n’avait pas prévus, lui arrachèrent les premières propositions de paix : un commissaire fut envoyé à Shang-haï, pour ouvrir de nouvelles négociations. Trop souvent abusés par les diplomates chinois, les anglais ne se laissèrent pas prendre à ce piège. Sir Henry Pottinger déclara que les hostilités ne cesseraient que le jour où l’on aurait souscrit à toutes ses demandes. La chaleur était accablante ; les troupes souffraient beaucoup de leur longue réclusion à bord des navires sur lesquels elles étaient entassées. Il importait donc d’arriver promptement sous les murs de Ching-kiang-fou et de Nan-king : là, du moins, on pourrait traiter à loisir. L’attaque de Shang-haï, comme celle de Cha-pou, avait été une faute. Ces opérations secondaires ne pouvaient qu’amener de scandaleux pillages et apporter de nouveaux retards au seul résultat qu’on pût se proposer. Pendant quelques jours, les vents contraires s’opposèrent à l’appareillage de la flotte. Le Cornwallis, vaisseau de 74, qui portait alors le pavillon de l’amiral Parker, se fit précéder par une division de l’escadre légère et escorter par deux navires à vapeur. Ainsi accompagné, il prit la tête de l’escadre, qui se forma dans ses eaux en divisions séparées par un intervalle d’un ou deux milles. L’amiral s’avança sans encombre jusqu’à vingt-cinq milles au-dessus de Wossung ; mais là, serrant de trop près l’île de Tsung-ming, il échoua le Cornwallis sur un banc de sable. Peu de temps après, le même accident arrivait au vaisseau le Belle-Isle. La marée, en montant, remit ces deux navires à flot. Cette marée, qui se fait sentir à plus de cent milles au-dessus de Wossung et suspend chaque jour pendant quelques heures le courant du fleuve, était un puissant auxiliaire pour remonter le Yang-tse-kiang ; mais, quand on fut privé de ce secours, quand on eut à refouler constamment un courant de cinq et six milles à l’heure, il fallut, pour avancer, une brise fraîche et favorable. Enfin,