Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/873

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvé, je n’en doute pas, pour l’exposition des doctrines cartésiennes, des paroles vives et colorées, et, sans déroger à l’austérité de l’enseignement, il aurait su animer d’un intérêt dramatique le combat de la liberté humaine contre la prédestination. En négligeant toute cette partie philosophique, il s’est condamné à parler sans autorité. En pareille matière, le talent ne suffit pas : il faut produire des argumens, et quel argument plus puissant que Descartes contre Jansenius ?

Après la théologie et la philosophie venait le tour de la littérature. Après saint Augustin et Descartes venait Pascal, qui, après avoir défendu la raison contre le probabilisme et la dévotion aisée, s’est retourné contre la raison, de telle sorte que son testament, c’est-à-dire le recueil de ses Pensées, est une protestation contre les Provinciales, qui ont établi la gloire de son nom. Quand je fais de Pascal un écrivain littéraire, je ne lui donne ce nom que par opposition à Descartes et à saint Augustin. L’analyse des Pensées, entreprise dans de telles conditions, n’eût pas manqué de perdre son caractère anecdotique pour prendre un caractère plus vigoureux et plus mâle. Malgré le charme que j’ai trouvé dans toutes les pages que M. Sainte-Beuve a consacrées à Pascal, j’aurais eu plaisir à le voir quitter le champ des menues causeries pour aborder le champ de la discussion.

Soumis à cette épreuve, que fût devenu Pascal ? Son talent d’écrivain n’eût reçu aucune atteinte, car plus d’une page des Pensées, bien qu’ébauchée rapidement, soutient la comparaison avec les Provinciales, et les ébauches mêmes de ce maître illustre offrent des traits que la réflexion n’effacerait pas ; mais la valeur philosophique de ces matériaux eût été mise dans son vrai jour par l’historien de Port-Royal. Il eût été facile de montrer que le plus éloquent des jansénistes, qui à l’âge de trente-quatre ans combattait les arguties des casuistes au nom de la philosophie, au nom de la raison, attaquait cinq ans plus tard, à l’âge de trente-neuf ans, ce qu’il avait défendu avec tant d’ardeur et de mordante ironie. Ne pas marquer nettement cette contradiction, c’est ne pas saisir Pascal tout entier, et M. Sainte-Beuve, bien qu’il l’ait indiquée, n’a pas satisfait à toutes les conditions de sa tâche. Il n’avait pas préparé de longue main cette démonstration, et n’a pas converti ceux qui sont habitués à voir dans Pascal non-seulement le champion de la foi, mais le champion de la raison.

Est-il sage de réveiller sans cesse les questions de la prévoyance divine et de la liberté humaine ? Qui donc peut se flatter de les résoudre ? Qui donc peut se vanter de concilier la volonté du Créateur et la volonté de la créature ? Ces questions sans doute ne sont pas aussi claires que les règles de l’arithmétique. Est-ce une raison pour les dédaigner ou pour reculer devant elles ? Des problèmes qui ont occupé les plus