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entreprises illégales. Curieux accord des partis dans leur mauvaise foi ! Détestable hypocrisie avec laquelle ils se réservent tous une arrière-pensée de violence et de fraude ! Il n’en est pas un seul qui, dans la donnée extrême jusqu’où il s’avance, sous le drapeau qu’il déploie, ne sous-entende une illégalité bien flagrante ou un manquement capital à l’esprit même de la constitution, et néanmoins aucun d’eux ne se fait faute d’écarter, sous prétexte d’illégalité, le seul procédé qui reste pour se tirer légalement de cette constitution insupportable à tout le monde, et pour assurer une victoire pacifique aux véritables desseins du pays. On accuse les révisionistes de courir les aventures ; nous prions seulement qu’on se représente un peu les voies respectives des différentes coteries qui se battent au-dessus de la nation et se la disputent sans vouloir la consulter ; comme si elle n’avait d’autre lot que de servir de récompense au plus heureux. Pour ramener en France M. le comte de Chambord ou M. le prince de Joinville, pour conduire de l’Élysée jusqu’aux Tuileries M. le président de la république, le chemin ne serait point, à ce qu’on peut croire, dépourvu d’accrocs et de mauvais pas. — Mais nous, s’écrient les purs républicains, nous sommes sur une ligne irréprochable : qu’est-ce que nous désirons ? Un président citoyen, l’idéal même de la constitution ; nous n’avons qu’à marcher devant nous ! — Oui, mais ceux-ci, d’autre part, n’ont-ils pas fait un ferme propos de ne point observer la loi du 31 mai ? N’ont-ils pas décidé, en engageant leur honneur d’hommes publics, que cette loi n’était point dans la constitution ? Et s’ils prétendent voter aux élections, comme si cette loi n’existait pas, se peut-il qu’ils en viennent là sans encombre ? Il n’est donc point de parti dont l’avant-garde, sinon l’armée entière, ne se lance exprès sur la route la plus difficile, et, pour arriver plus vite à son but exclusif, ne coure la chance de se perdre en perdant tout avec lui. Où sont, à côté de ces témérités sans excuse, les imprudences des révisionistes ? Les partis ne- veulent pas de la révision, parce qu’aucun d’eux n’est assez persuadé de la fortune de sa cause pour la remettre à un arbitrage suprême. Est-ce donc là de quoi empêcher la France qui n’est d’aucun parti, de vouloir ce qu’ils ne veulent pas ? Et faut-il qu’elle se résigne d’emblée à ne point obtenir ce qu’ils refusent ?

Nous croyons qu’on l’obtiendra ; nous croyons que la révision se fera d’une façon ou de l’autre, et avec la conscience de cette nécessité nous ne comprendrions pas que l’on cessât de rappeler tous les motifs qui la rendent si urgente, toutes les forces qui la précipitent. Le moyen de décider entre les ambitions des partis et des personnes, c’est la révision ; le moyen de couper court aux embarras que traînent après elles toutes les candidatures, c’est la révision. Plus on va depuis quelque temps, plus on voit les meneurs politiques multiplier les candidats sous le manteau. Il y a d’abord la fusion, qui est un candidat à plusieurs têtes, ce qui n’en vaut pas une bonne ; il y a la candidature bonapartiste, qui a pour elle le possessoire ; il y a la candidature joinvilliste, qui ne parlera peut-être pas toujours par procureur. Certains légitimistes proposeraient volontiers le général Changarnier ; d’autres crient déjà le nom de M. de Larochejaquelein ce sont les seuls qui se décident, ce qui ne leur coûte pas beaucoup, parce qu’ils savent bien que leur décision ne tire pas à conséquence. Les républicains murmurent sous leurs tentes les noms autrement célèbres de M. Carnot et de M. Nadaud ; mais c’est à qui ne se prononcera point le premier,