que l’on puisse voir en Perse, il faut citer en première ligne les fêtes religieuses qui se célèbrent au commencement de chaque nouvelle année, le premier jour du mois de moharrem. Pendant notre séjour à Téhéran, nous eûmes l’occasion d’assister à ces solennités connues généralement sous le nom de tazièhs. Le but des tazièhs est de vénérer la mémoire d’Ali, gendre du prophète, et de ses fils, Husseïn et Hassan, dont la fin tragique engendra le schisme qui partage les musulmans en sunnites, ou partisans d’Omar, et chyas, ou sectateurs d’Ali. Ce schisme, qui n’a rien changé quant au fond de la doctrine de Mahomet, a pour base le droit d’hérédité d’Ali comme gendre, et de Husseïn et Hassan comme petits-fils de Mahomet, au détriment d’Aboubekhr et d’Omar, que les Persans considèrent comme des usurpateurs. Un dévot philosophe, un rêveur qui vivait au XIVe siècle à Ardebil, sous le nom de Seffi-ed-Din (pureté de la foi), fonda la secte des chyites ou partisans d’Ali. Animé d’une piété fervente, exalté par l’idée de faire revivre les droits du gendre de Mahomet, l’anachorète d’Ardebil sut enflammer l’imagination des Persans par un éloquent récit des malheurs d’Ali et de ses fils, victimes de la cruauté d’Omar. La secte des chyas ou chyites représenta bientôt non-seulement la foi religieuse de la Perse, mais ses instincts d’indépendance en face de la dynastie tartare qui gouvernait alors le royaume d’Irân. Le petit-fils du cheik Seffi-ed-Din, Ismaël, leva enfin l’étendard de la révolte qui mit le pouvoir entre les mains de sa race, devenue célèbre sur le trône de Perse sous le nom de dynastie des Soffis ou Seffeviehs. Dès-lors fut creusé entre les sunnites et les chyas un abîme infranchissable, et l’intolérance religieuse qui sépara, à partir de cette époque, les deux sectes est l’origine de l’aversion mortelle qui règne encore aujourd’hui entre les Turcs et les Persans, plus profonde que la haine qui sépare les chrétiens et les musulmans.
Destinées à faire revivre les souvenirs de la grande révolution religieuse qui a soustrait la Perse à la domination des partisans d’Omar, les fêtes appelées tazièhs sont pour tous les Persans une époque d’effervescence ou plutôt de fièvre religieuse, pendant laquelle il serait imprudent de donner le moindre prétexte à leur fanatisme. Les cérémonies dont les tazièhs sont le motif rappellent beaucoup les mystères que l’on représentait en Europe au moyen-âge. Ces représentations dramatiques ont lieu sous de larges tentes dressées sur les places publiques, dans les cours des mosquées, ou à l’intérieur des palais des grands, qui en font alors tous les frais par zèle religieux. Ces tentes sont ornées avec un grand luxe : on y étale des cachemires, des étoffes riches, que prêtent à cette occasion les personnes dévotes ; on y accroche des peaux de bêtes, sur lesquelles figurent des cottes de mailles, des boucliers, des poignards et des armes de toute espèce. Au milieu s’élève