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la bande dans leur canot. La pauvre Cosenzine fut portée, plus morte que vive, jusqu’au vaisseau de guerre. Ô lamentable aventure ! ô situation effroyable ! ô désespoir pour des filles chrétiennes ! De quels gémissemens ces infortunées faisaient retentir les airs, c’est ce que l’imagination peut à peine concevoir. Des ruisseaux de larmes coulaient des yeux des jeunes filles, elles tendaient leurs bras vers la terre ; mais les Turcs souriaient, et le capitaine se réjouissait de son riche butin.

Cependant la Cosenzine était si touchante et si belle dans sa douleur, que l’équipage finit par être ému de pitié en regardant ses pleurs. Le capitaine, s’adoucissant, lui offrit sa liberté moyennant une rançon.

— Ne pleurez point, lui dit-il ; j’enverrai mes gens demander à votre père mille piastres fortes, plus trois colliers d’or, trois bracelets de corail et trois spillone de perles fines, pour donner aux trois favorites du puissant Cariadin ; à ce prix, vous pourrez retourner à Cosenza, et je ne partirai pas avant d’avoir reçu la réponse. Et le canot reprit la mer, et les rameurs alertes s’éloignèrent en répétant : Oïzza ! vogue ! vogue !

A la porte du tonnelier de Cosenza vinrent frapper trois hommes en capuchons blancs : — Ta fille est notre prisonnière. Si tu veux la racheter, dépêche-toi de nous donner mille piastres fortes pour le puissant Cariadin, plus trois colliers d’or, trois bracelets de corail et trois spillone de perles fines pour les trois favorites de notre maître. — Hélas ! répondit le père, où voulez-vous que je prenne tout cela ? Il me faudrait vendre ma maison, mes tonneaux et mes outils, et à quoi me servira de racheter ma fille, si c’est pour mourir de faim ? Retournez près du capitaine et dites-lui d’être plus humain, ou bien frappez à la porte de mon frère, qui est plus riche que moi, et priez-le de racheter sa nièce.

À la porte du frère vinrent frapper les Turcs en capuchons blancs : — Ta nièce est notre prisonnière. Si tu veux la racheter, dépêche-toi de nous donner mille piastres fortes, plus trois colliers d’or, trois bracelets de corail et trois spillone de perles fines pour les trois favorites du puissant Cariadin. — Tant de piastres ! répondit l’oncle de la Cosenzine, tant d’or, de corail et de perles fines pour une fille enlevée ! Que ma nièce parte pour Zerbi ; je ne saurais la racheter à si haut prix.

Les Turcs en capuchons blancs s’en retournèrent à leur canot, et ils allaient partir quand le jeune pêcheur arriva de Sicile, et ils lui parlèrent comme au père et à l’oncle de la belle Cosenzine…

— Mais, dit le narrateur en interrompant son récit, c’est à ce point de l’histoire qu’il convient de s’arrêter pour demander à la compagnie ce que répondit l’amant de la belle Cosenzine. Devinez, signori et signorine, devinez, si vous pouvez, la réponse du pêcheur de Cetraro.